Le paradis des escargots

Une semaine après mon arrivée, j’ai constaté avec horreur que la porte d’entrée de mon adorable maison était couverte de toiles d’araignées et… d’escargots!
J’ai bien dit d’escargots.

Je n’ai pas habité trente ans en Suisse, dans le pays le plus « propre en ordre de la planète » sans avoir retenu quelques leçons d’hygiène élémentaire.
J’ai donc empoigné un seau, du savon, une éponge, et j’ai rendu à la porte sa vocation première.
Porte elle est, porte elle restera.
Fini, le squatt pour gastéropodes!
Non mais!

Pendant que j’oeuvrais, deux dames, qui promenaient leurs chiens, m’ont regardée avec des yeux ronds.
Je leur ai adressé un sourire, la mèche en bataille, et elles m’ont demandé ce que je faisais.
– Heu… je nettoie la porte. Elle était couverte d’escargots.
– Ah bon? Bon courage!

Au bout d’une demi-heure, l’entrée luisait de propreté, et une colonie d’escargots SDF s’éloignait sur la route en traînant ses bagages.

Dans la même journée, j’ai eu la visite de notre propriétaire, venue s’enquérir de mon installation.
Le sujet du jour étant « la porte », elle a eu une réaction aussi surprise que mes interlocutrices précédentes.

– Vous savez, ici, les escargots… on en est infestés. Alors vous aurez beau nettoyer, ils reviendront tout le temps.

Ah oui?
Puisque c’est ainsi, la guerre est déclarée.
Depuis ce jour, à chaque fois que je rentre ou sors de la maison, je jette un regard suspicieux sur la porte d’entrée.
Jusqu’ici, les escargots, qui se sont donné le mot, n’ont pas fait mine de réapparaître.
Un murmure parcourt le village de coquille en coquille: « Méfiez-vous du bout de l’allée. Y vit une nana complètement folle, qui ne nous apprécie que très modérément. »

Un mois (oui, déjà…) a passé.
Pas de problème: ces gastéropodes se tenaient à distance respectueuse, jusqu’à ce matin.
En rentrant, hier soir, j’ai réalisé que, sur l’appui de fenêtre de la cuisine se trouvait une coquille mouvante.
Visiblement un escargot adolescent, un peu fougueux, venu voir si j’étais à la hauteur de ma réputation.
Je dois lui reconnaître un certain courage, à l’animal.
Il est venu sans arme, et s’est placé à un endroit où il était impossible de ne pas le voir.
Et puis son exploit avait du mérite: pour une bestiole de cette taille, escalader le mur pour atteindre l’appui de fenêtre devait être fatiguant.

Je l’ai donc pris délicatement, et j’ai été le poser sur le muret qui entoure la maison.
D’ici à ce qu’il en redescende, qu’il traverse les quelques mètres le séparant de la maison, qu’il ré-escalade le mur et qu’il réintègre l’appui de fenêtre, il lui faudra bien un autre bon mois.
Cela me donne le temps de réfléchir à la suite de ma stratégie militaire.

Pour le moment:
Martine: 1
Escargot: 0. Mais bien essayé!

Martine Bernier

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