Quand nos ordinateurs nous lâchent

J’imagine fort bien que, dans les temps préhistoriques, perdre le feu était un drame. Les temps changent. Aujourd’hui, le feu est apprivoisé depuis belle lurette. Plus besoin de silex, de petit bois et de mousse sèche pour l’allumer et aller partager une cuisse de mammouth. Oui je sais: nous avons du feu mais plus de mammouths. Le monde est mal fait. Enfin… Libérés de cette contrainte, nous devrions être soulagés. Et bien non. Au fil des siècles, nous avons trouvé d’autres nécessités absolues sans lesquelles nous ne sommes plus que de petites choses désarmées et inefficaces. Parmi elles: l’ordinateur.

Max (mon ordi Mac!) et moi vivons une véritable histoire d’amour depuis six ans. Pour lui, j’ai quitté les PC, le monde de Bilou Gates, Windows et tout ce qui y est lié. Au début, il a fallu nous habituer l’un à l’autre. Son environnement, sa manière de me parler étaient différents… J’ai dû me concentrer un peu, mais notre lien s’est noué très vite. Il faut dire que, lors de sa naissance, Max était le plus puissant de sa génération. Le plus élégant aussi. Je l’ai toujours trouvé beau. Max a une autre particularité: il est solide à mes côtés, ne me déçoit jamais, est à mon égard d’une tolérance absolue.

Lui et moi, nous nous comprenons. Il a assisté à l’éclosion de mes articles, à l’écriture de plusieurs de mes livres. Nous avons passé des heures et des heures ensemble, à chercher nos mots, nos formules, de jour comme de nuit. Parfois, il me souffle un synonyme lorsqu’il me voit chercher en vain. Bref, entre lui et moi, c’est fusionnel.

Bien sûr, il n’a pas aimé l’arrivée de Léopard qu’il a eu beaucoup de mal à digérer lorsque je le lui ai donné à manger. Bien sûr aussi j’ai dû lui offrir un autre écran l’an dernier. Il en est sorti encore plus beau qu’avant.

C’est dire si, hier, j’ai eu un choc. Lui et moi écrivions ensemble, paisiblement, lorsque, tout à coup, il a fait un malaise. Son écran s’est recouvert d’une sorte de canevas mi-opaque mi-transparent, composé d’un treillis de petits carrés violets. Je voyais mes programmes dans le fond, embrumés, comme recouverts d’un voile. Ma réaction a été la surprise totale, puis la désolation. Oh non… Max! Je l’ai éteint, puis rallumé plusieurs fois. Sans succès. J’ai pris conseil. Mais je pressentais déjà que c’était grave. Sans doute la carte graphique…

Je vous passe les détails. Depuis hier, j’ai téléphoné tous azimuts pour trouver un réparateur… qui ne m’a jamais rappelée malgré ses promesses. Pas de SAMU pour Max… En désespoir de cause, après avoir pris conseil, je me suis résignée à commander un autre Mac, sur lequel seront transférées les données de Max. Que je ferai réparer ensuite. Le nouvel arrivant sera encore plus rapide, encore plus puissant, encore plus sûr. Il s’appelera Max aussi: je pense que je vais créer une dynastie. Mais Max Ier sera comme un vieux cheval qui a bien servi: il restera auprès de moi, en paix.

Sans mon Max, je suis perdue. Je ne peux plus travailler, je me sens comme amputée d’une partie de moi. Bien sûr, je peux toujours oeuvrer un peu sur un PC portable… au clavier azerty alors que je travaille depuis 30 ans sur un qwertz. Un clavier même pas ergonomique. Beurk…

Or donc, le feu n’est pas ma préoccupation première. Mais découvrir  que je ne peux pas vivre sans Max est un choc.

Martine Bernier

 

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