Nathan

Nathan a 16 ans.
Bien qu’il fasse partie de ma famille proche, je ne les vois, sa petite soeur et lui, qu’une fois par an, pour des raisons géographiques.
Mais c’est à chaque fois un bonheur.

Mercredi soir, les retrouvailles se sont déroulées dans une station de montagne bien connue de Roman Polanski et de Johnny Halliday.

J’ai eu la surprise de découvrir un jeune homme de plus d’1,80m.
En un an, Nathan s’est radicalement transformé.

Beau comme on peut l’être à son âge, il a un physique rappelant à la fois James Dean et Guillaume Depardieu.
Pétri d’humour, il est très drôle, tout en visitant les méandres de son incontournable adolescence.

Même si nous ne nous voyons pas aussi souvent que je l’aimerais, je crois que sa soeur et lui savent que j’ai pour eux une grande tendresse.

Mon rôle d’élément neutre nous permet de tenir des conversations sur les sujets les plus farfelus sans que Nathan ne s’en offusque.
Nos discussions sont entrecoupées de pas mal de rires, depuis toujours, avec lui comme avec Candice, sa petite soeur.
Cette fois, nous avons parlé de sa vie sentimentale avant d’en venir au sujet crucial…

Nathan cultive un look que semblent chérir pas mal de jeunes de son âge: l’art du pantalon qui tombe sans tomber.
Parce que c’est un art!
Comme le sujet m’intrigue, et que je suis totalement néophyte dans le domaine, j’ai décidé de profiter de sa présence pour l’interroger sur les questions que tout adulte normalement constitué se pose sur le sujet:

– Pour avoir des jeans qui tombent aussi bas, tu les achètes plus larges que ta taille?
– Non, non! Ce sont des pantalons taille basse, spéciaux!
– Et.. ce n’est pas inconfortable de porter des vêtements que tu risques de perdre à chaque instant?
– C’est toute l’astuce: on ne risque pas de les perdre, ils tiennent bien!
– Hum… en tout cas, tu as intérêt à porter de beaux sous-vêtements!
– Je les choisis! J’ai de TRES beaux caleçons.
– Je suis heureuse de l’apprendre!

Sa maman est intervenue, expliquant la démarche déhanchée de son ado de fiston depuis qu’il porte ce genre de vêtement, et sa crainte qu’il ne la conserve lorsqu’il aura changé de look.
Précisant au passage que son défunt père, grand-père de notre ado, portait, lui, des caleçons longs.
A cette évocation, j’ai quasiment vu les oreilles de Nathan se dresser:
– Des caleçons longs?? Qu’est-ce que c’est?
– Des caleçons qui lui arrivaient jusqu’aux genoux…

Tout le monde s’attendait à une réaction moqueuse, mais non… il s’est exclamé:
– Mais c’est génial!!! C’est ça qu’il me faut!!

Comme quoi, s’il se penche sur ce genre d’attirail, sorte de filet de sécurité, sa confiance en la bonne tenue de ses pantalons ne doit finalement être que très relative…
J’imagine que son grand-père aurait apprécié d’apprendre qu’il avait inconsciemment un look semi-adolescent que ne renie pas son petit-fils…

Dans le très bel hôtel où la famille était descendue et où nous passions la soirée, les serveurs portaient tous des noms inattendus, indiqués sur des badges épinglés aux vestes. Ce détail n’avait bien entendu pas échappé à Oeil-de-Lynx qui avait plaisanté toute la soirée sur le sujet.
Le point culminant de son délire est intervenu lorsque toute l’équipe de service est arrivée à la table voisine, en fin de soirée, en portant un gâteau d’anniversaire et en chantant en choeur « Joyeux Anniversaire ».
Emporté par la liesse ambiante, Nathan a lancé, hilare:
– C’est merveilleux! Merlin, Attila, Romaine, Simone… il y a même Blanche-Neige et les Sept Nains! Ils sont tous là!! On se croirait dans le film Shrek!!!

Amusée, je lui ai dit en riant: « Toi, je pense que je vais t’adopter! »
Très significatif de la douce période adolescente, d’une même voix, mais de trois côtés de la table, un triple « Oh Oui!!!! » a fusé, de la part de Nathan et de ses parents.

Entre deux souffles de folie, cet attachant garçon aux cheveux longs et aux pantalons fugueurs devient grave et me confie sa difficulté à dialoguer avec son père, à se faire entendre de lui.

Tout est normal…

Nathan…
Il y a pas mal d’années, ton père et moi avions seize ans presque ensemble, et nous aussi devisions, lorsque nous nous retrouvions, sur le fait que nous étions incompris.

Les pantalons changent, l’importance du caleçon aussi…
Mais l’histoire se répète…

Martine Bernier

 

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