Baudouin, le roi aux yeux tristes

 

Lorsque j’étais enfant et que je vivais en Belgique, la présence du roi Baudouin était omniprésente, comme les rois le sont dans tous les pays monarchiques.
Il était pourtant d’un naturel discret, mais il était partout sur les timbres, en photo sur les murs des classes, des bâtiments officiels, voire même de certains magasins.
Je lui trouvais un regard triste.

Mon père m’avait fait commencer une collection de timbres.
J’aimais particulièrement l’un d’eux, très sobre, représentant le visage d’une femme très belle qu’il m’a expliqué être la reine Astrid, mère du roi.
Il m’a raconté sa vie.
Astrid était une princesse suédoise, née en 1905, lorsqu’elle a épousé celui qui allait devenir le roi Léopold III.
Très vite, son charisme a fait d’elle une reine très aimée de son peuple. Elle était proche des concitoyens, s’engageait pour eux, ce qui expliquait leur attachement à son égard.
Devenue reine en 1934, Astrid n’a régné que deux étés…
Le 29 août 1935, les Belges effondrés apprenaient que leur souveraine avait perdu la vie dans un accident de voiture à Küssnacht am Rigi (Suisse).
C’est son mari qui conduisait la voiture sur cette route de vacances. Alors que ses enfants avaient déjà regagné Bruxelles, le couple royal avait souhaité prolonger son séjour. Sur les rives du lac des Quatre-Cantons, une recherche sur une carte routière déployée, un moment d’inattention et l’accident.
Léopold a été à peine blessé. Son épouse est morte sur le coup
Le pays a connu un grand deuil.
Mais celui qui en a le plus souffert est sans doute son fils aîné, Baudouin, alors âgé de cinq ans, qui, dit-on, adorait sa mère.
Ce drame, puis l’arrivée de la Seconde Guerre Mondiale, l’arrestation de la famille royale envoyée en Autriche, puis l’exil en Suisse jusqu’en 1950, suivi de l’abdication de Léopold III et l’accession au pouvoir de Baudouin en 1951, alors qu’il allait avoir à peine 21 ans, ont fait de la vie de cet homme un véritable roman.

J’ai toujours trouvé qu’il avait les yeux tristes.
Ce passé tragique, le fait qu’il n’a pu avoir d’enfants
Il s’est investi contre le racisme, la traite des êtres humains, refusait de recevoir en audience les membres des partis d’extrême-droite.
Le fait qu’il n’ait pas accepté de sanctionner une loi proposant la dépénalisation conditionnelle de l’avortement, en 1990, lui a attiré les foudres de tous ceux qui n’ont pas compris sa position. Lui a préféré se faire destituer de son trône sous prétexte qu’il était dans l’incapacité de régner, afin de ne pas avoir à se prononcer. C’est durant ces quelques jours que la loi a été votée.

Lorsque Baudouin est mort d’un arrêt cardiaque, en été 1993, pendant ses vacances en Espagne, j’ai eu de la peine, comme, je pense, beaucoup de ceux qui étaient nés sous son règne.
Il avait été présent en filigrane tout au long de ma vie.
J’avais oublié qu’un roi pouvait mourir, lui aussi…

Aujourd’hui, le Quotidien du Peuple révèle que la reine Fabiola a reçu, pour la quatrième fois, des menaces de mort de la part d’un personnage affirmant qu’elle sera atteinte par un tir d’arbalète si elle ne se plie pas à ses exigences. Appréciée pour son intelligence et sa douceur, mais controversée pour trop essayer de promouvoir la religion catholique, l’ex reine a aujourd’hui 82 ans.
S’il était là pour voir cela, Baudouin aurait le regard encore plus triste…

Martine Bernier

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