Bichon havanais: Pomme et la chute

Nous ne nous adressions plus la parole depuis le matin.
Depuis l’incident, plus exactement.
Là, profitant que je me sois plongée avec difficulté dans un bain chaud, Pomme est revenue me voir.
Après quelques heures, il y a prescription, a-t-elle dû penser.
Avec raison.
Oui, mon bichon pense, j’insiste.
Elle s’est dressée sur ses pattes arrières pour se mettre à ma hauteur, s’est appuyée contre la baignoire et m’a fixée intensément comme elle a l’habitude de le faire lorsqu’elle veut engager la conversation.
Je l’ai regardée, moi aussi, et je lui ai expliqué:
– Oui, je sais, prendre un bain en fin d’après-midi, ce n’est pas mon habitude. Mais là, tu vois, on va dire que je me suis « cassé la papatte ». Et il faut agir.

Toujours debout, elle a basculé sa tête en arrière, regardant le plafond, l’air de s’offusquer et de dire: « C’est fin, tiens! Qu’est-ce que tu peux être maladroite!’ »

Vexée, je l’ai rappelée à l’ordre:
– Dis donc, toi! Je te rappelle que c’est ta faute si je suis tombée! Si tu n’avais pas fait l’andouille, je n’aurais pas dû descendre dans ce pré gelé et je n’aurais pas glissé!

Elle a replongé son regard dans le mien, gravement.

– D’accord, je t’excuse. N’empêche que nous sommes dans de beaux draps. Ce n’était vraiment pas le moment.

La semaine est un peu chargée, d’autant que jeudi, une réunion de travail sera suivie d’un repas collectif au cours duquel je présenterai officiellement Celui qui m’accompagne avant de repartir avec Lui pour quelques jours.
Pendant que je réfléchis, Pomme file et revient avec une écharpe.

– Qu’est-ce que tu fais? Tu l’as prise dans la valise? Oui, je sais, je prépare nos affaires. Mais cette fois, tu pars avec moi, ne t’inquiètes pas.

Elle se remet debout contre la baignoire, essayant désespérément de me lécher le nez.
– Non Pomme, ça va, n’en rajoute pas. Tu en as fait assez pour aujourd’hui.

Dignement, elle se redresse, très droite, ne se maintenant plus que par une patte et levant l’autre d’un geste délicat.
Ses petites lèvres noires d’où dépassent deux dents minuscules me font craquer.
Elle est complètement hirsute.

-Toi, ce soir, je te coiffe. Prépare-toi moralement. Bon, file, je sors.

Apparemment consciente de mon handicap provisoire, elle s’assied dans un coin et compatit à sa façon: en baillant.

Et on dit que ces animaux sont des bêtes…

Martine Bernier

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