Henri Troyat… et moi

J’ai toujours beaucoup aimé les livres d’Henri Troyat.
Je l’ai découvert très tôt, et je n’ai plus cessé de le lire.
Son style, son imagination, sa façon très documentée de travailler, tout me plaisait.
Un jour, alors que je n’avais pas trente ans, j’ai été fascinée par l’un de ses personnages.
Il y a longtemps que je n’ai pas rouvert le livre, je ne me souviens plus du nom de cet homme au caractère étrange.

Toujours est-il que j’ai pris ma plus belle plume d’une main un peu tremblante, et que j’ai écrit à l’auteur en lui confiant le bonheur que j’avais à le lire et en lui demandant s’il s’était inspiré de quelqu’un pour créer ce personnage machiavélique.
Ne sachant où adresser ma lettre, j’ai indiqué « Monsieur Henri Troyat, Académie Française, Paris ».
Sachant pertinemment que je n’aurais sans doute pas de réponse.

Erreur.
Deux ou trois semaines plus tard, le facteur m’apportait une missive.
L’écriture était forte, l’encre très noire, le trait large et épais.
C’était lui.
Je l’ai su avant même de retourner l’enveloppe pour connaître le nom du destinataire.
Il avait pris la peine de me répondre…

Longuement, il me remerciait d’avoir pris le temps de lui écrire, m’expliquait que c’était toujours pour lui un plaisir d’avoir des réactions à ses livres, et entreprenait de me raconter comment était né le personnage en question.
Les oeuvres de ce grand monsieur de la littérature, j’en avais étudié à l’école, je les lisais, je les dévorais.
Et là, j’avais entre les mains une lettre de ce monument humain.
Cela m’a infiniment touchée.
Comme il me posait lui aussi des questions, j’ai été m’installer à mon bureau et j’ai répondu.
Quelques jours plus tard, une autre lettre m’arrivait.

Nous avons correspondu pendant quelques mois.
C’était un cadeau pour moi…
Puis le temps a passé, j’ai rêvé de le rencontrer, mais ma vie m’a entraînée dans de multiples aventures.
Lorsqu’est venu pour moi le temps de pouvoir solliciter un entretien en tant que journaliste, Henri Troyat était très âgé.
Il nous a quittés en 2007.
Un jour, je me suis retrouvée à Paris devant sa tombe.
Notre rendez-vous partiellement manqué s’est achevé là, au cimetière Montparnasse.

Martine Bernier

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