Suzanne et Anthony: La grande évasion

Les personnes qui ont regardé le journal de France 2 hier soir n’ont pas pu la manquer: dans le coin supérieur de leur écran, était marqué « Crise ».
Idem, ce soir.
Voilà.
Si vous ne le saviez pas encore, c’est fait: le monde est en crise.
Brrr…
On nous annonce que nous serons tous ruinés dans quelques semaines, que rien ne va plus.
Cela passe du rouge au vert, du vert au rouge, du plongeon à l’escalade.
L’actualité est maussade, sauvage, triste, navrante.

Et puis, il y a un titre, passé totalement inaperçu.
Jeudi dernier, un jeune homme de 20 ans a kidnappé son arrière grand-mère placée dans une maison de retraite.
Il l’a kidnappée… sur sa demande .

Anthony, 21 ans, a encore son arrière-grand-mère, Suzanne.
Et apparemment, ces deux-là doivent bien s’entendre.
La vaillante nonagénaire a été placée dans une maison de retraite, dans l’Essonne.
Elle n’avait pas visiblement envie d’y aller, n’a accepté qu’à contre coeur, sur l’insistance de sa famille.
Mais Suzanne ne s’y sentait pas bien.
Aussi a-t-elle décidé de s’enfuir.
Elle a fugué cinq fois.
Et cinq fois, les tentatives ont échoué.
Il fallait donc préparer une escapade plus efficace.
Ce qu’elle a fait jeudi dernier, après avoir demandé à son arrière-petit-fils d’organiser son enlèvement.
Il est venu la chercher, l’a ramenée chez elle, et elle a dormi en paix là où elle se sent bien: dans sa chambre.

Suzanne avait réussi à prendre la clé des champs.
Seulement voilà.
Cela ne pouvait pas s’arrêter là.
Constatant que sa pensionnaire manquait à l’appel, la directrice de la maison de retraite a prévenu la police dans la soirée.
Elle a expliqué par la suite avoir passé une nuit d’angoisse tandis que personne n’arrivait à retrouver la vieille dame.
Quand celle-ci a été récupérée, la découverte de sa fuite n’a pas mis la directrice de bonne humeur.
Suzanne a défendu son arrière-petit-fils, expliquant qu’il a été sensible a sa détresse, à son désir de rentrer chez elle, de retrouver la liberté.

Bonne nouvelle, Anthony ne sera pas poursuivi.
Autre bonne nouvelle: Suzanne n’est ni sous tutelle ni sous curatelle, elle n’est donc pas obligée de rester à la maison de retraite.
Reste à voir si une solution est possible pour qu’elle puisse retourner chez elle et y vivre.

Cet épisode me touche profondément.
Nous sommes tous des êtres libres.
Et un jour, parce que nous vieillissons, parce que notre état de santé se dégrade, nous perdons notre droit à l’autonomie.
Nous devons dire adieu à la liberté, à notre domicile, à nos amis, nos voisins, aux animaux qui, peut-être, nous accompagnaient, aux objets, aux livres que nous aimions.
Et nous nous retrouvons dans une chambre, avec repas à heures fixes, des visites de temps en temps dans le meilleur des cas, et, ô merveille, la possibilité de partager des activités de groupes avec d’autres personnes fort âgées avec lesquelles, bien souvent, nous n’avons pas grand-chose en commun.
Il faut vivre avec des personnes que nous n’avons pas choisies… comme elles doivent vivre avec nous, qu’elles n’ont pas choisi davantage.

Ce doit être une étape horrible dans la vie d’un être humain.
Le renoncement…
Je pense que certains ne peuvent s’y résoudre.
Et je crains de faire un jour partie de ceux là si je devais un jour arriver à un âge avancé.
Alors Suzanne, voyez-vous, je la comprends.

J’espère qu’elle retrouvera le goût et le droit de vivre à sa guise.
Et j’ai une grande pensée pour son arrière-petit-fils qui n’a peut-être pas pensé à l’angoisse que pourrait provoquer leur geste, mais qui m’est fort sympathique!

Martine Bernier

Dominique Rougier dit :

C’est un des plus grands paradoxes de la course au bien être de nos sociétés. Tout les progrès ‘semblent’ viser à améliorer le quotidien de l’individu. Seulement, de l’individu moyen,en âge,en revenus,en état de santé…Bien peu ont les moyens d’avoir un logement assez vaste et du temps libre pour s’occuper des anciens ,enfin du côté des pays dits riches. Il semble que le prix de l’amour s’accorde mal avec les cours de la bourse .

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