L'âne blanc de Monsieur Gallaud de la Pérouse

L’histoire se passe en 1898.
Cette année-là, le journaliste Alphonse Gallaud de la Pérouse, anarchiste rebelle qui sévit en tant que journaliste satirique  sous le pseudonyme de Zo d’Axa, a une idée « lumineuse ».
Pour les élections législatives, il  informe les lecteurs de son journal « la Feuille », qu’il a trouvé le candidat parfait qui devrait redonner l’envie aux abstentionnistes de retrouver le chemin des urnes.
Son candidat officiel?
Un âne blanc répondant au doux nom de « Nul ».
L’argument que va développer le journaliste est simple: « Voter blanc, voter Nul, tout en se faisant entendre. »

Dans les 25 numéros qui paraîtront entre octobre 1897 et mars 1899, il s’en donne à coeur joie.

« L’âne pour lequel je sollicite le suffrage de mes concitoyens est un compère des plus charmants, un âne loyal et bien ferré. Poil soyeux et fin jarret, belle voix. (…)
Un âne pas trop savant, un sage qui ne boit que de l’eau et reculerait devant un pot de vin. (…) »

Les pamphlets que va signer Zo d’Axa sont vitriolés, insolents et drôles.
Il fustige les hommes politiques, mais aussi les électeurs, estimant qu’ils ont les élus qu’ils méritent.
Le jour de l’élection, le pauvre âne, qui se serait sûrement passé de participer à une telle aventure, est la vedette d’une grande fête organisée en son honneur, et  traverse Paris tirant un char sur lequel trônait le journaliste,  pour se rendre au Sénat puis au Palais Bourbon, entouré par ses nombreux partisans.
Sur son passage les femmes jettent des fleurs, certains rient, d’autres lancent des insultes.
Son apparition déclenche une énorme bagarre.
Appelés en renforts, les sergents de ville interviennent, voulant mettre Nul à la fourrière.
L’âne est emmené malgré les protestations de ses défenseurs.
Sa carrière politique est finie.

Désabusé, déçu par la nature humaine, Alphonse Gallaud de la Pérouse, qui aura passé sa vie à lutter contre ce qu’il jugeait inacceptable, continuera à voyager un peu, puis rentrera à Paris pour vivre sur une péniche.
Mais la vie ne l’amusait plus.
Il choisira de la quitter le 30 août 1930.

 

Martine Bernier

 

par

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *