Le poids de la classe

Lorsque l’on a sonné, j’ai ouvert la porte et ai regardé à hauteur de mon regard.
Rien.
60 centimètres plus bas j’ai vu un  petit bonhomme un peu pâle, qui me regardait en souriant timidement, un carnet à la main.
Pomme , mon bichon havanais au look de Mogwaï, lui a aussitôt fait comprendre qu’elle était ravie de faire sa connaissance, déclenchant un deuxième sourire.

– Bonjour!
– Bonjour, Madame. 

Je me suis penchée pour être à sa hauteur:

– Qu’est-ce que je peux faire pour toi?
– C’est pour la tombola de mon école.
–  D’accord. Tu vends des billets?
– Non, il faut que vous deviniez le poids de ma classe.
– Le poids de ta classe??

Il a ouvert son carnet et m’a montré  la photo d’un groupe d’enfants accompagnés d’une personne qui devait être leur professeur.
– Ah oui, je vois… Vous vous êtes tous pesés?
– Non, non, on va le faire après la tombola! 
– Et combien coûte ta tombola?
– C’est un franc.

Je suis retournée chercher un billet que je lui ai donné.
– Voilà!
– Merci! Avec ça, vous pouvez me donner dix poids.
– Hum…. Je ne suis pas très douée pour ça… Combien pèses-tu, toi?
– 28 kg!

J’ai souri…
Environ quatre fois Pomme!
Il a ajouté, sous forme de confidence:

– Et mon maître, il pèse 68 kg.
– Tes parents ont joué?
– Non.  Ils ne peuvent pas, eux vont à la Migros, vous comprenez.

Non, je n’ai absolument pas compris ce langage codé m’expliquant que ses parents faisaient leurs courses dans l’une des grandes surfaces les plus populaires de Suisse, mais je n’ai pas cherché à approfondir.
Il m’a tendu le carnet et son stylo bille.

– Vous devez écrire votre nom et votre adresse et, dans la dernière colonne, dix poids.

Comme j’obtempérais, il a ajouté, bon prince:

– Si vous voulez, vous pouvez regarder sur les autres pages ce que les autres ont déjà écrit…

Bonne idée!
Cela allait de 600 à près de 1000 kg.
J’ai ajouté quelques chiffres au hasard, aidée par mon visiteur qui m’en a soufflés  sur ma demande.
Quand j’ai eu terminé, il a repris son carnet et son stylo, et m’a regardé avec un grand sourire.

– Bon, et bien je te souhaite bon courage pour ta tournée!
– Merci! Au-revoir!

Il est parti tranquillement, avec son petit carnet.
J’imagine que, dans sa classe, tous les enfants quadrillent en ce moment le village avec chacun son secteur.
Je gagerais qu’il va faire un tabac, ce petit bout-là.
Il le mérite… il en faut du courage pour sonner à une porte inconnue.

Martine Bernier
 

 

 

 

 

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