Mes aïeux: Le trésor de l'oncle Charles

Je devais avoir 6 ou 7 ans lorsque mon père m’a un jour dit:  « Tu veux venir avec moi? Je vais chez Oncle Charles. »
Je ne savais absolument pas qui était Oncle Charles.
Dans la horde de grands-oncles et de grandes-tantes dont j’avais hérité à ma naissance, je ne connaissais pas tout le monde.
Mais pour le plaisir de partager une activité en tête-à-tête avec mon père, j’aurais été voir le Comte Dracula sans me faire prier!
Dans la voiture, je lui ai demandé:
-Tu dois lui apporter quelque chose?
– Non…  nous y allons pour toi. Je voudrais qu’il te montre son trésor.
– Son trésor?!
– Oui. Tu verras.

Je ne me  souviens plus où habitait l’oncle Charles.
Mais je me souviens qu’après que mon père eut sonné à la porte, un homme âgé, grand et élancé est venu nous ouvrir.
Il avait de magnifiques cheveux blancs, était habillé de manière élégante, et avait un visage fin, réfléchi, un regard perçant, très intelligent.
Visiblement, Papa avait dû préparer avec lui notre visite.
Oncle Charles s’est penché vers moi et m’a demandé:
– Qu’est-ce que c’est pour toi, un trésor?
J’ai réfléchi:
– Ca dépend… un trésor de pirate ou de princesse, c’est un coffre avec des choses qui brillent.
– Et toi, quel est ton trésor? A quoi tiens-tu le plus?
J’ai encore plus réfléchi:
– Mon trésor, c’est Papa. Et mes livres.
Il a souri:
– Ce sont de très beaux trésors. Aimerais-tu voir le mien?
– Oui!!

Nous avons traversé la maison.
Entre le salon et  le jardin se trouvait une immense volière, deux fois plus grande que le salon.
Et, à l’intérieur, des dizaines d’oiseaux de toutes les couleurs, qui chantaient et voletaient, des nids un peu partout…
J’étais émerveillée.
Oncle Charles m’a demandé:
– Aimerais-tu entrer dans la volière avec moi?
– Je peux???
– Oui, mais il faudra entrer très doucement, ne pas avoir de gestes brusques.

Je l’ai suivi en faisant extrêmement attention pour ne pas effrayer les oiseaux. 
Je n’en avais jamais vu autant et d’aussi beaux.
Je ne me lassais pas de les contempler lorsque mon guide m’a dit:
– Fais comme moi…
Il a tendu ses deux bras en avant, devant lui.
Je l’ai imité.
Il n’a fallu que quelques secondes pour que les oiseaux viennent se percher sur nos bras et nos mains.
J’étais au paradis.
Je n’osais plus ni bouger, ni respirer.
Je regardais ces oiseaux dont les petits yeux vifs semblaient me dévisager.
J’ai jeté un coup d’oeil à mon père, resté devant la volière.
Il m’a souri et m’a adressé un clin d’oeil.
Je suis restée longtemps dans la cage, avec l’Oncle Charles.
Il était beau, serein, semblait très heureux.
Et lui osait bouger: les oiseaux ne s’envolaient pas.

Lorsque je me suis retrouvée dans la voiture avec mon père, il m’a dit:
« Tu vois, aujourd’hui tu as appris qu’il y a toutes sortes de trésors. Et le tien, plus tu l’aimes, plus il vaut cher. »

Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé que ces leçons de vie laissées  par mon père étaient aussi belles que celles données un jour par un certain Antoine de Saint-Exupéry dans l’un des plus jolis livres qui soit: « Le Petit Prince ».

Martine Bernier 

 

 

 

 

par

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *