Le rire de mon petit voisin

Dans l’une des maisons voisines de la nôtre habite une famille venue de l’ex-Yougoslavie.
Le père, gros travailleur, s’occupe avec amour de sa famille, de sa maison et son jardin, toujours impeccable.
Il y passe beaucoup de temps avec ses deux fils, leur transmettant son savoir en la matière.
Le plus petits des deux garçons doit avoir 5 ou 6 ans.
Il crie, joue, galope partout, comme tout enfant de cet âge.
L’aîné, qui doit avoir une douzaine d’années, est beaucoup plus discret.
Je ne l’ai jamais entendu ni rire ni crier.
Un jour où il est venu me vendre des timbres Pro Juventute, comme le font ici les enfants des écoles, nous avons parlé pendant une dizaine de minutes, le temps pour moi de découvrir un enfant timide mais intéressant.

Hier, en fin d’après-midi, j’étais sur notre balcon où la végétation est toujours très abondante, et je retirais des fleurs fanées de-ci de-là, en compagnie de Pomme.
Je suis toujours légèrement myope, mais, comme d’habitude, mes lunettes étaient perchées sur le sommet de mon crâne où elles passent le plus clair de leur temps.
J’ai bien vu que mon voisin et son aîné étaient arrivés dans leur jardin et qu’ils travaillaient sur quelque chose, mais je ne me suis pas interrompue.
Je voyais juste que  le fiston faisait face à son père dont je ne voyais que le dos.
Sur notre terrasse hyper fleurie, mon Capitaine a installé des bacs de plantations comestibles contenant des tomates, des herbes aromatiques, des physalis, des piments, des poivrons etc.
Tout cela sent merveilleusement bon… mais prend beaucoup de place.
Pour accéder aux géraniums accrochés à la rambarde, il faut donc se contorsionner, ce qui n’est pas mon fort, ayant un équilibre plus qu’original.
Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé.
J’ai perdu l’équilibre et ce n’est qu’au prix d’un redressement digne des acrobates de haute voltige que je n’ai pas terminé dans les géraniums.

J’ai entendu un éclat de rire.
Un seul, frais et joyeux.
Dans mon embryon de chute, mes lunettes se sont retrouvées sur mon nez, surprise dont elles ne sont pas encore remises!
C’est ainsi que j’ai pu voir mon petit voisin, qui venait visiblement d’assister à mon numéro de cirque.
Il avait un large sourire qu’il a aussitôt réprimé en se faisant réprimander par son père qui, lui, n’avait rien vu, et ne comprenait pas que son rejeton soit aussi peu attentif à ses explications techniques.
Le petit me jetait des coups d’oeil dès que son père avait l’oeil penché sur son travail.
Je lui ai adressé un petit signe et une grimace explicite, ai terminé de décapiter les têtes sèches des géraniums et suis retournée dans mon bureau, Pomme sur les talons.

J’ai entendu rire mon petit voisin!
Il faut reconnaître que, pour cela… j’ai payé de ma personne.
Ca en valait la peine!

Martine Bernier 

 

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