La rescapée

Cela ne m’était jamais arrivé…
Mais je savais qu’un jour, ce serait le cas.

Tout a commencé voici quelques jours, lorsque l’on m’a demandé un article nécessitant plusieurs témoignages.
Comme il n’est pas encore paru, je ne peux parler ni du sujet, ni des personnes que j’ai rencontrées.
Je peux juste dire qu’il s’agissait d’un thème qui me touchait particulièrement, très humain.
Non, je ne peux rien dire pour l’instant…
Si ce n’est ceci.

L’une des personnes que j’ai contactée pour m’apporter son témoignage était une dame déjà âgée.
J’avais appris par l’une de ses amies  qu’elle avait fait partie des enfants rescapées de la terrible rafle du  Vel’ d’Hiv, pendant la guerre.
Je ne l’abordais absolument pas pour cette raison.
Mais, comme souvent, les choses ne se sont pas passées de manière classique.
Elle était légèrement sur la réserve et je le sentais.
Jusqu’au moment où je me suis décidée à lui dire que je savais dans les grandes lignes ce qui lui était arrivé.
Je lui ai dit combien j’étais bouleversée par la tragédie qu’elle a vécue, que tant de personnes ont vécues…
Combien je l’admirais d’avoir su vivre sa vie, d’être restée debout, d’avoir même choisi une profession où elle a aidé les autres.
Elle a perdu une grande partie de sa famille, notamment ses parents, qu’elle n’a jamais revus.
Je lui ai confié que même si ce n’était pas le sujet de mon interview, j’aimerais passer un long moment avec elle l’an prochain, pour que nous puissions parler de son passé.
Elle a accepté.
Sa souffrance est toujours présente, sa colère aussi.
Elle m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas pardonner.
Comment pardonner de telles choses…

Je n’avais jamais eu un contact direct avec une personne victime de l’Holocauste.
Tout ce que j’ai vu, lu, étudié sur le sujet m’a horrifiée, me déchire toujours le coeur.
La petite fille qui a vécu l’enfer est toujours tapie au fond de cette dame qui, adulte, a dû encore subir l’extrême douleur de perdre un enfant.
Et j’ai ressenti, toujours présent en elle, un immense besoin d’être consolée, écoutée, reconnue dans sa douleur.

Je sais que, l’an prochain, dès que j’aurai derrière moi les interventions chirurgicales qui m’attendent encore, je tiendrai ma promesse.
Tout en sachant qu’il me sera impossible de ne pas m’impliquer affectivement.
Il ne s’agit plus, là, d’une simple rencontre professionnelle.

Martine Bernier

 

 

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