« C’est pour toi! »

Ce matin, alors que je mets la dernière main aux questions qui formeront le coeur d’une interview que je vais effectuer dans la journée, mon regard est attiré par un étrange stylo.
Rouge, il a le corps entouré de feutrine et est surmonté d’une grosse tête d’oiseau de dessin animé, aux yeux froncés.
Avec tous les événements de ces derniers jours, je l’avais presque oublié…
Et pourtant…

La semaine dernière, alors que nous étions chez mon fils cadet et notre Fleur d’Asie, Kim, qui aura 8 ans dans deux jours, était malade.
Très courageux, il évitait de se plaindre, ne s’appesantissait pas sur ces vomissements qui lui empoisonnaient l’existence.
A un moment donné, il m’a dit: « Tiens, c’est pour toi… je voulais déjà te le donner la dernière fois… »
Et il m’a donné l’oiseau.

– Heu.. c’est pour moi??
– Oui!

Si j’ai tendance à beaucoup gâter mes petits-enfants, comme l’a fait ma grand-mère paternelle avant moi, j’ai moins l’habitude qu’ils me fassent des cadeaux…

– Merci, Kim! Ce me fait très plaisir!

Lorsque nous sommes repartis, il m’a demandé:
– Tu n’oublies pas ton cadeau?
-Non, non: il est dans mon sac!

Aujourd’hui, le cadeau trône sur mon bureau.

Mercredi, Kim aura 8 ans.
Il a déjà fêté son anniversaire avec ses copains, sera sans doute fêté le jour même par sa maman et Yann, et aura droit à une autre fête à la fin du mois, le jour de l’anniversaire de sa maman.
Fête à laquelle nous participerons, bien sûr.
Mais vendredi dernier, juste avant le mariage de mon fils aîné, Kim était chez nous avec son petit frère et sa maman, attendant l’arrivée de mon fils cadet pour que nous partions tous ensemble.
Il était toujours malade, blanc comme un linge… et ne se plaignait toujours pas.
Il était couché dans le canapé, et j’étais assise près de lui avec sa maman:
– Tu te souviens du chat en verre que je t’avais donné?

A son regard, j’ai compris qu’il ne l’avait pas vu.
Chaque fois qu’il vient nous voir, il le cherche des yeux et est satisfait de voir que je prends soin de ses cadeaux.
– Oui, bien sûr: je l’ai toujours, il est sur la bibliothèque, près de mon bureau. Je l’ai juste posé sur une étagère un peu plus haut lorsque j’ai pris la poussière la dernière fois.

Il a eu l’air rassuré et a poursuivi la conversation:
– Tu sais, je sais ce que je veux faire comme métier, plus tard
– Ah oui? Qu’aimerais-tu faire?
– Cuisinier.
– C’est un beau métier… Mais il est très exigeant. Beaucoup d’heures de travail, tard le soir… C’est curieux que tu aies envie de faire ce métier-là.
– Pourquoi?
-Tu es très bon en math. Si tu continues à bien travailler à l’école, tu auras peut-être envie de choisir un métier où tu pourras utiliser les matières dans lesquelles tu es bon.
Il a réfléchi quelques secondes et m’a dit:
– Mais j’ai un problème.
– Ah? Lequel?
– Je ne connais pas les métiers…
– Ce n’est pas un souci, ne t’inquiète pas. Je vais te trouver un livre dans lequel on trouvera tous les métiers possibles!
– Pour ceux qui sont fort en math, qu’est-ce qu’il y a comme métiers?
– Plein de choses! Il y a professeur de math, comptable ,ingénieur…
– Ils font quoi, les ingénieurs?
– Ca dépend, il y a plusieurs sortes d’ingénieurs, dans des domaines très différents. Certains font des ponts, par exemple… Ne t’inquiète pas, tu as le temps d’y penser, et nous te donnerons tous les outils pour que tu puisses faire un choix.
-Oui…
L’heure passe.
Je dois me remettre à mon travail.
Devant mon clavier, le  « zoiseau » au regard menaçant  repose sa grosse tête ronde sur mon sous-main.
Je le remets dans mon pot à crayons.
Aujourd’hui, Kim est guéri.
Il va falloir que je pense à trouver ce livre…

Martine Bernier

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