La renaissance de Voltaire

Deux ou trois fois depuis les événements tragiques qui ont débuté le 7 janvier dernier, j’ai entendu dire dans les médias qu’un livre fait désormais fureur et se vend comme des petits pains: « Le Traité sur la tolérance », de Voltaire.
Il a été écrit en 1763  et connait un nouveau destin, très inattendu, qui aurait sans doute surpris l’auteur lui-même…
Les libraires expliquaient que certaines personnes qui l’achetaient demandaient si c’était une oeuvre récente.
Elles découvrent ce texte humaniste que j’avais lu à 14 ans sur les conseils de l’une de mes profs, et qui a été pour moi essentiel dans l’opinion que je me suis forgée contre la peine de mort.
Car si Voltaire appelait déjà à la tolérance entre les religions, il y parlait surtout d’un « fait divers » de l’époque.
Un père, Jean Calas, de religion protestante, était accusé d’avoir assassiné son fils qui souhaitait se convertir au catholisisme.
Il avait été condamné et exécuté  avant que le procès soit rejugé trois ans plus tard.
Il avait alors été prouvé que son fils s’était suicidé et que son père n’y était pour rien.
Sa famille, qui avait subi l’opprobre de la population et était emprisonnée, avait été réhabilitée.
Mais il était trop tard pour Jean Calas.
C’était une époque très particulière.
Les Huguenots, ces Français protestants avaient fui la France après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685.
Persécutés dans leur propre pays, ils ont vécu toutes les tortures et les brimades possibles.
Ceux qui sont restés n’étaient pas bienvenus.

C’était il y a plus de 300 ans, et cela se passait sous nos latitudes… déjà.
A chaque fois que je suis appelée à écrire un article traitant de l’histoire des Huguenots, je suis renversée par ce qu’ils ont eu à vivre.
Et je repense à ce livre.
A l’époque les médias modernes n’existaient pas, l’information n’avait pas le pouvoir  qu’elle possède aujourd’hui.
Mais il y avait des humanistes courageux, comme Voltaire qui  ont dénoncé les injustices.
Son traité, il ne s’est pas contenté de l’écrire.
Il a remué le monde et les décideurs durant trois ans pour aider les Calas.
Il a provoqué le débat, saisi les plus hautes instances.
Nous prenions en classe de français la mesure de son courage.
Et le fameux slogan de l’écrivain:  « Ecrasez l’infâme », l’infâme représentant ce que nous continuons à  fustiger aujourd’hui: l’intolérance, le fanatisme…

Voltaire fait partie de ceux qui m’ont accompagnés, dont j’ai aimé et admiré la pensée.
Certaines de ses citations sont restées des balises dans ma vie, que je me remémore régulièrement.
Il était de plus réputé pour avoir pas mal de défaut: un aspect très rassurant à mes yeux.

Aujourd’hui, alors que beaucoup découvrent ou redécouvrent son Traité sur la tolérance, je reprends des notes que j’avais  conservées.
Parmi les citations recopiées, il y a celle-ci:

« N’est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas? »

Je me disais hier que j’allais reprendre ces citations qui m’ont marquées depuis que je les ai étudiées, pour les écrire dans mon « Grimoire familial à l’usage des générations futures ».
Un zeste de Voltaire ne peut que faire du bien, quelle que soit l’époque.
Ses citations ne sont d’ailleurs pas toutes des affirmations.
Elles témoignent aussi des ses doutes, de ses interrogations, comme « L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger. »

L’une de mes préférées reste: « Plus les hommes seront éclairés et plus ils seront libres. »
Et celle qui ne m’a jamais quittée et m’accompagnera tout au long de ma vie: « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »

Martine Bernier

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