Aurélien: morceaux choisis

Pour la première fois, hier soir, je propose à Aurélien, 2 ans 1/2, de jouer en intégrant un scénario à nos jeux.
Pour cela, je le guide vers la fameuse marionnette: l’âne Martin.
– Tu sais, Martin a pris son bain, cette semaine. Il sent très bon!

Le petit fonce vers le panier des marionnettes, en sort Martin, le hume et se pâme.
Sa nouvelle fraîcheur vaut au petit âne une série de câlins enthousiastes.
Je continue:
– Tiens? Jules n’est pas là??

Jules, cousin de Martin, dort dans le panier.
Aurélien file le chercher, l’approche de son nez et constate… que lui n’a pas pris son bain!
Ce qui devrait être fait dans la semaine…
De fil en aiguille, Jules lui explique qu’il veut bien jouer avec lui, mais qu’il aimerait être installé dans un camion à sa taille.
Aussitôt dit aussitôt fait, le voilà déposé dans un petit camion jaune… qu’Aurélien fait foncer dans un meuble.
Aussitôt, un petit cri sort de Jules:
– Aïïïe! J’ai maaaal!
– T’as mal où?
– Ma paaaaatte! Vite! Un docteur!

Inquiet, le chef de chantier m’apporte son âne que j’examine avec Martin.
Je ne vois qu’une solution, la plus extrême, mais aussi la plus efficace: préparer un peu de poudre de Perlimpinpin.
Sous l’oeil intrigué d’Aurélien… et de Martin, je me réfugie derrière un coussin, trifouille discrètement de mystérieuses fioles imaginaires, murmure de petites phrases magiques…
Puis je reviens et, à grand renfort de gestes spectaculaires et d’abracadabras magistraux, je soigne Jules qui se retrouve guéri en un clin d’oeil.
Deux minutes après, il a un nouvel accident et est ramené à l’hôpital des ânes.
Cette fois c’est Aurélien qui est aux commandes.
Il vient derrière mon coussin, imite mes gestes, puis s’approche de l’âne:
– Amabracala! Bradamacata…
Miracle.
Ca a marché aussi!

******

Debout sur le canapé à côté de moi, Aurélien me dépasse de quelques centimètres.
– Mmm, tu es plus grand que moi!
– Oui! Montre!
– Montre?

Il pose un doigt sur mon auguste tête:
– Ca!
–  « Ca », c’est ma tête!
Il l’examine et ajoute:
– C’est blanc!
– Ah non! Ce n’est pas blanc!

Mon Capitaine arrive à la rescousse:
– Ca ne peut pas être blanc: Mamitine peint ses cheveux!
Devant la mine perplexe du petit explorateur, je confirme:
– Tu sais que je n’aime pas avoir de cheveux blancs… pour le moment. Donc, je les « peints » en noir!
Il aime bien me taquiner avec ce détail.
Il regarde mieux, et insiste:
– Oh! Un cheveu blanc!
– Non! Pas possible!
– Oui! Beaaaauuuuu!

******

Pour la deuxième fois en une semaine, je prends le bouquin du Livre de la Jungle version Disney.
– On raconte l’histoire?
– Ouiiiii!
Nous explorons donc l’extraordinaire histoire de Mowgli, discutant de chaque personnage.
Jusqu’au moment où nous arrivons à Shere Khan, le tigre.
Je prends un air pénétré, grave, et baisse d’un ton:
– … mais quelqu’un écoutait Bagheera… Tu vois qui c’est?
Tout bas, en adoptant mon ton de voix, il répond.
– « Ser » Khan… le tig’!
– Oui! Il est terrible… mais il a peur d’une seule chose. Tu sais de quoi?
Il réfléchit regarde autour de lui, jette un oeil à mon Mogwaï qui nous écoute avec attention, assise à côté de nous, et répond:
– De Pomme?
C’est bien l’unique fois de sa vie que mon tendre bichon aura effrayé un tigre!

*****

Après son repas, Aurélien a droit à un mini goûter au lait, chocolaté.
Je lui ouvre le biscuit et… et décide de le faire parler.
J’entame donc une discussion avec un cake:
– Nan! Je ne veux pas sortir!
– Comment ça tu ne veux pas sortir? Si, si! Tu es le dessert d’Aurélien! Viens!
– Nan! Il va me mordre!
– Normal: les desserts, on les mange! Sors de là!
– Naaaaaan!

Sous l’oeil attentif et hilare de mon client qui attend son dessert, j’extirpe le biscuit de son emballage et il l’attrape pour l’approcher de sa bouche:
– Naaaaan! Lâche-moi! Je ne suis pas bon!
– Si, si, tu es très bon!

Cette fois, c’est Aurélien qui entre dans le jeu, mordant à belles dents dans son petit cake qui proteste:
– Aïe! Il m’a mordu!
– Mmmm! Boooon!

En quelques bouchées il a terminé le biscuit qui aura lutté vaillamment  jusqu’au bout, faisant de cette partie du repas un véritable vaudeville.
Le repas est terminé.
Enfin pas tout à fait.
Parce que Martin, l’âne marionnette, s’empare de l’emballage vide et proteste:
– Mais? Et moi? Je voulais goûter le dessert, aussi!
Aurélien hésite, réfléchit à quelque chose que je lui ai expliqué un peu plus tôt dans la soirée, et répond:
– Non. Toi tu manges des ca’ottes! Donne!
Il prend l’emballage des pattes de Martin et file le jeter dans la poubelle de la cuisine.
Hugh!

Martine Bernier

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