Les dessous du Musée Grévin

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À l’abri des regards, les ateliers du musée de cire parisien abritent des merveilles, et un savoir mystérieux. Celui de celles et ceux qui réalisent les répliques des personnalités qui font rêver le public depuis 1882.

Tout commence par une entrée presque discrète donnant sur un grand boulevard de Paris. Vous pénétrez dans le monde de l’imaginaire par la porte du Palais des Mirages. Un somptueux spectacle son et lumière au cœur d’un palais oriental, sorte de kaléidoscope géant marquant la frontière entre le monde réel et le monde parallèle du Musée Grévin. Une fois sortis de la salle, les visiteurs pénètrent dans l’univers des stars à la mode, du « Tout Paris » et des Grands d’hier et d’aujourd’hui. Ravis de pouvoir réaliser leurs fantasmes en approchant Lucchini, Nothomb, Sarkozy, Sartre, Serrault, Gabin, Gandhi et près de 250 autres, en faisant fi de l’espace et du temps. L’an dernier, ils ont été près de 700’000, dont beaucoup de Suisses, à découvrir ce lieu mythique. Et à se demander par quel prodige les personnages de cire peuvent autant ressembler à leurs doubles de chair.

Sculpteurs magiciens

La réponse est simple, comme l’explique Véronique Berezc: la force du Musée Grévin, c’est son équipe de sculpteurs et de spécialistes. « Lorsqu’un artiste est approché pour figurer dans la galerie de cire, il accepte de le faire gracieusement, et intègre quelques contraintes incontournables. La première consiste en une séance de pose de trois heures, permettant de le prendre en photo sous tous les angles, de prendre ses mesures et des échantillonnages de cheveux. Le prothésiste oculaire photographie les yeux, tandis que le prothésiste dentaire prend l’empreinte des dents. Des échantillons de cire de différentes couleurs permettent ensuite de définir la bonne nuance pour la peau. »
Pour chaque personnage, le travail dure six mois. Il commence dans le secret des ateliers des sculpteurs. Ceux-ci travaillent le plus souvent chez eux, où ils façonnent les visages de leurs modèles dans de la terre glaise. Une fois le visage terminé, un moule est réalisé dans lequel sera coulée de la cire d’abeille colorée en fonction de la peau du modèle. Le corps, lui, est créé sur des armatures en métal et sculpté selon celui d’un sosie de la personnalité. Chaque étape a ensuite lieu dans les différents ateliers dissimulés dans les entrailles du musée.

Entre Harrison et Elvis

Dans l’atelier de moulage, ce matin-là, Damien Martin travaille sur une main célèbre: celle d’Harrison Ford. Les veines apparentes prennent vie sous les doigts de ce graphiste de formation, fasciné depuis toujours par les effets spéciaux. « Travailler dans un tel endroit à un côté intriguant, avoue-t-il. Nous y approchons toute la mise en scène du musée, dans ses moindres détails. »
Dans l’atelier voisin, chez les « maquilleuses », le discours est le même. Stéphanie Duboc, spécialiste en matériaux composites, retouche la main d’Elvis Presley. Sa formation d’arts appliqués la destinait aux décors de cinéma. C’est donc par pur hasard qu’elle se retrouve dans l’intimité du King. Si l’on dit d’elle et de ses collègues qu’elles sont maquilleuses, le mot n’est pas vraiment adapté à leur tâche. C’est à la peinture à l’huile que les visages des personnages sont subtilement colorés. À côté de la jeune femme, sous un drap, une forme humaine. A l’époque de ma visite, dessous se cachait l’une des nouvelles pensionnaires du musée: Arielle Dombasle, dont le double de cire a été inauguré. Elle a été suivie, en décembre, par la chanteuse Jenifer. Les cheveux et les sourcils des mannequins sont tous implantés à la main, avec une aiguille dont le chas a été coupé. Pas moins de 23’000 à 30’000 cheveux sont nécessaires. Un travail minutieux, demandant une patience infinie. D’un bout à l’autre de la chaîne de création des personnages, y compris dans la confection des costumes, tous les intervenants sont des artistes. Pas une ride, un grain de beauté, un cerne, une tache de rousseur ou une cicatrice ne leur échappe.

Bluffant…

Le résultat est sidérant. Le jour de l’inauguration de leur double de cire, les personnalités sont invitées à porter le même costume que leur mannequin. Chez certains, difficile de reconnaître le vrai du faux, tant la ressemblance est frappante, l’expression juste, le grain de la peau soyeux. L’effet est troublant. Quant aux visiteurs, ils ne se lassent pas de ce pays magique où les stars se laissent photographier à leurs côtés avec une complaisance figée…

Martine Bernier

A la base: un journaliste!

« Imaginez un monde sans photo, sans télévision, sans Internet, un monde où l’imaginaire était la seule représentation du monde pour le commun des mortels ». Quand elle parle du musée Grévin, Véronique Berezc , responsable des relations extérieures, aime faire partager la passion qui l’anime depuis vingt ans. Passion dont la reproduction en plâtre de la main de Victor Hugo, qui trône sur son bureau est le témoin.
C’est un journaliste, Arthur Meyer qui, à la fin du 19e siècle, a créé le musée, assisté par le caricaturiste Alfred Grévin. Leur idée était de présenter à leurs contemporains les 42d8c63c0bca539d67bf0b5fc3a5c0d6célébrités de l’époque, alors que la photographie n’en était qu’à ses balbutiements dans un « journal en trois dimensions ». Depuis 1999, le Groupe Grévin et Compagnie a racheté le musée, l’a rénové et embelli. Plus de 2000 personnages s’y sont succédé. Une fois leur carrière publique terminée, les mannequins sont rangés dans des entrepôts, et remplacés par ceux qui ont pris leur place dans la lumière. Ceux-ci sont choisis par les membres de l’Académie Grévin, en fonction de leur place dans l’actualité. Certains refusent, par manque de temps, ou par sentiment de malaise de voir leur image figée dans la cire. Mais la plupart y voient un hommage. Comme les Suisses d’adoption ou de semi-adoption que sont Charlie Chaplin, Charles Azanavour ou Johnny Halliday, tous présents dans le musée.

En savoir plus:

– Musée Grévin, 10 boulevard Montmartre, 75009 Paris. Tél. 0041 1 47 70 85 05. Site: www.grevin.com
– Horaires: ouvert tous les jours 
de 10h00 à 19h00 (Dernière entrée à 18h00). Tous les samedis de l’été : ouvert jusqu’à 20h00, dernière entrée à 19h. A partir de septembre: du lundi au vendredi : de 10h à 18h30 ( dernière entrée à 17h30 ) Samedis, dimanches, et jours fériés : de 10h à 19h ( dernière entrée à 18h )

 

 

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