Mon chien, les moutons et les oiseaux

Je le savais: le pré qui jouxte mon jardin est « le pré des moutons ».
Je n’en avais jamais vu un jusqu’à cette semaine.
Et un matin, miracle…
Je travaillais dans mon bureau lorsque j’ai aperçu un énorme mouton paissant paisiblement de l’autre côté du mur.
Enthousiaste, j’ai soulevé Scotty, ( mon Scottish Terrier, pour ceux qui auraient manqué un épisode capital!!) et je lui ai dévissé la tête jusqu’à ce qu’elle consente à remarquer la bête.
Une fois qu’elle l’a captée, elle a sauté de mes bras, a escaladé le canapé placé contre la baie vitrée, la pile de coussins qui s’y trouve et a pris appui sur le dossier. Depuis son poste de guet, elle a commencé à observer les aller et et venues du visiteur en grognant doucement.
De temps en temps, elle me lançait des regards interrogateurs, et a fini par me demander (oui, mon chien parle, je ne vous l’avais pas dit?):

– C’est quoi, ce monstre!?!?
– Ce n’est pas un monstre, c’est un mouton, ô béotienne ignare. Il est étonnamment grand, mais c’est un mouton quand même.
– Tu m’emmènes? Je voudrais le voir de plus près.
– Pas maintenant: je travaille.
– Tu travailles, tu travailles… toujours la même rengaine! Quand tu auras fini, ils seront partis et tu m’auras encore privée d’une expérience essentielle. Tu ne mérites pas d’avoir la responsabilité d’une petite âme aussi passionnante et éveillée que la mienne! Maîtresse ingrate! Incapable!

Que voulez-vous répondre à cela?
J’ai pris sa laisse, l’ai attachée, me suis équipée d’une boussole et de vivres pour deux jours (le jardin est grand) et nous sommes parties en expédition.
A ceux qui s’étonneraient de me voir attacher mon chien pour l’emmener au jardin, je signale en passant que le portail n’est pas encore posé et qu’un Scottish, en dépit de ses petites pattes, court très vite.
Mais alors vraiment très vite.
De plus, un Scottish qui ne veut pas obéir n’obéit pas. Foi de terrier.
De mon côté, mes rodéos scottischiens ont beau faire beaucoup rire ceux qui y assistent, ils ne m’amusent que modérément.

Arrivées au bout du jardin, j’ai vu ma chienne prendre appui sur le petit mur du fond pour mieux voir.
C’est là que j’ai réalisé que notre mouton n’était pas seul.
Un peu plus loin, le reste du petit troupeau se baladait en oscillant des hanches langoureusement.
Quand le solitaire nous a vues, il n’a pas pris peur.
Au contraire.
Chiquant une poignée d’herbettes, il s’est approché tranquillement pour mieux voir cette drôle de bête qui l’observait.
Je parle de Scotty, pas de moi.

Scott d’ailleurs était fascinée par l’apparition.
D’une taille intermédiaire entre un veau et un poney (bon, d’accord: un poney de Shetland, mais un poney quand même), le visiteur s’est posté à moins de deux mètres de nous.
Nous nous apprêtions à engager la conversation lorsque tout le troupeau est reparti.
Comme il n’est pas mouton pour rien, il a suivi.
Flûte.
J’aurais aimé interviewer mon premier mouton Mendolphin.
Oui, c’est ainsi que l’on nomme les habitants de la région.

Depuis, chaque jour, Scotty cherche son nouvel ami géant.
Mais les moutons ne sont pas revenus.
Comme je la sentais un peu dépressive, j’ai fait l’acquisition d’une maisonnette pour oiseaux que j’ai été accrocher dans un arbre.
Au bout de trois jours: rien. Pas un seul oiseau tenté par mes graines.
J’ai  donc été acheter une autre mangeoire, beaucoup plus rudimentaire, que j’ai posée à côté de la première.
En une heure, tous les oiseaux du quartier savaient que nous avions posé quelque chose à leur intention.
Ils ont préféré une obscure mangeoire en forme de champignon à ma ravissante maisonnette.
Vexant. Les oiseaux n’y connaissent rien en architecture.

A l’heure où j’écris, deux mésanges et un rouge-gorge picorent les graines.
Scotty, de temps en temps, leur jette un oeil. Lorsqu’elle sort, elle lève la tête, mais ne fait pas mine de les ennuyer. Brave chien.
Mais j’ai beau faire, elle préfère nettement s’intéresser aux moutons.
Les chiens ne connaissent rien en ornithologie.

Martine Bernier

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