Et il m’apprit qui fut Jaurès…

J’ai toujours eu le sentiment que la culture que nous accumulons au fil de nos vies provient de diverses sources différentes. Il y a ce que nous apprenons lors de notre cursus scolaire, ce que nous étudions par passion ou par intérêt, et ce qui nous vient des différentes rencontres marquantes que nous pouvons faire au cours de notre existence. Si vous aimez un homme qui aime Napoléon, vous l’écouterez en parler, même si vous ne partagez pas son enthousiasme. Mais vous approfondissez le sujet, vous apprenez… et c’est finalement bien le but de l’opération.

Un jour où nous faisions le questionnaire de Proust, l’un de mes proches m’a dit qu’il admirait profondément Jean Jaurès. J’avoue humblement que, si je savais bien sûr qui était le personnage et si je connaissais deux ou trois grandes lignes de sa vie, ma connaissance en la matière était très minimaliste. Aussi ai-je regardé, lundi soir, le téléfilm que France 2 lui a consacré, avec le décidément excellent Philippe Torreton.
Puis, ce soir, j’ai pris mes livres et j’ai cherché à en savoir un peu plus.

La complexité du personnage m’a intriguée. Né dans une famille bourgeoise, agrégé de philosophie, professeur en faculté, c’était un intellectuel pur. Sa carrière politique a révélé sa dimension humaniste, courageuse, engagée, son éloquence. J’ai redécouvert ses combats en faveur de la classe ouvrière. Et je me suis rappelé  la phrase qui termine la chanson de Brel: « Pourquoi a-t-on tué Jaurès?… »

Oui, au fond, pourquoi? J’ai questionné celui qui l’admire, et il m’a expliqué les bases de l’histoire, que j’ai complétées par ma lecture.
Il militait contre le service militaire de trois ans, estimait que la guerre était aberrante sur le plan humain, mais aussi par le fait que, du point de vue socialiste, elle était une diversion du capitalisme international au détriment des citoyens les plus démunis.
Son attitude lui a valu l’hostilité des milieux patriotiques et modérés. Lui qui a lancé des appels de portée mondiale en faveur de la paix a reconnu, au fur et à mesure qu’évoluait la crise de 1914, que le gouvernement français souhaitait la même chose que lui.
Et puis, dans la soirée du 31 juillet 1914, il a été assassiné à Paris, au Café du Croissant, par un nationaliste, Raoul Villain, qui portait plutôt bien son nom.
Quelqu’un a écrit que lorsque l’on a tué Jaurès, il n’y a plus eu d’obstacle à la guerre.
Son meurtrier a dit avoir agi seul, sous aucune influence, pour « éliminer un ennemi de son pays ». Et le comble… c’est qu’il a été acquitté, alors que son procès se déroulait dans une ambiance fortement nationaliste, après avoir passé toute la durée de la guerre en prison, en attente de son procès.

Combien de grands hommes ont été assassinés par des êtres limités… Gâchis.

Martine Bernier

par

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *