Les vrais et les faux

Il es tard, ce soir…
La journée a été longue, alourdie par la présence de la neige.
J’ai horreur de la neige.
Blanche alors que j’aime le noir, froide, glissante…
Elle n’est à mes yeux qu’un élément économique permettant aux stations de gagner leur pain.
Elle est liée pour moi à ces charters de touristes qui se précipitent vers l’or blanc dès qu’il apparaît pour faire des aller et retours sur des pistes bondées.
Le charme de villages de montagne existe en dehors de la présence de ces périodes de foule.
Je trouve affreusement ridicule le langage de beaucoup d’habitués des pistes qui, chaque année, se vantent des prouesses qu’ils ont effectuées durant la semaine qu’ils ont passée sur place.

J’ai forcément parmi mes amis plusieurs montagnards.
Des vrais…
Des alpinistes, skieurs, qui ne se vantent jamais, mais réalisent des exploits qui laisseraient pantois les glisseurs d’occasion.
Ils sont élégants naturellement. Et posent un regard imperturbable sur le peuple qui les entoure.
Les montagnards sont comme les gens de la mer.
Ils sont pudiques et sauvages.
Mais lorsque vous gagnez leur amitié, c’est pour la vie.

Beaucoup écoutent les vacanciers parler de la montagne avec un petit sourire aux lèvres.
Ils remettent gentiment à leur place ceux qui imaginent tout savoir, qui prétendent connaître une région parce qu’ils y passent trois semaines par année et y font les balades répertoriées.

Eux, les vrais, partent aux aurores à l’assaut de la montagne, en peaux de phoque.
Ils font partie des colonnes de secours allant récupérer les beaux parleurs lorsqu’ils se sont foulé une cheville ou claqué un muscle.
Ou lorsqu’il s’agit de rechercher un inconscient ayant tâté du hors-piste sans précaution.
Ils sondent les avalanches, ramènent parfois des corps sans vie.
Et évitent alors de trop parler pour ne pas dire ce qu’ils pensent.

Non, je n’aime ni la neige, ni ses cohortes de touristes qui débarquent comme en terrain conquis.
Je préfère les espaces vierges, où l’on ne voit que la trace d’un chamois ou d’un chevreuil, comme je pouvais le voir parfois lorsque j’habitais en montagne en prenant la crémaillère de grand matin.

En gros… en dehors de toute considération économique, je voudrais des montagnes et des plages libres, sans amas humains.
Et j’adresse une pensée compatissante aux vrais habitants des stations qui voient souvent arriver les visiteurs de l’hiver avec une résignation bien camouflée derrière un chaleureux sourire de circonstances.

Martine Bernier

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