Jacques Perrin: »Dits du Gisant », un coup au coeur

C’est un cri silencieux…
C’est un choc.

Jacques Perrin est un homme que l’on n’oublie jamais lorsqu’on l’a rencontré.
Autrefois professeur de philosophie et de littérature française, il a choisi de s’orienter vers le monde du vin.
Et là encore, il est devenu une sommité, membre du Grand Jury Européen, responsable de la revue Vinifera dont l’excellence est reconnue unanimement dans la profession.
La culture, l’esprit et l’humanisme de cet homme marquent ceux qui le croisent, dont j’ai la chance d’avoir fait partie quelques fois.
Il est l’un des grands spécialistes du vin, l’aborde sous tous ses angles et en parle avec talent.

En février 2006, cet alpiniste chevronné est victime d’une chute lors de l’ascension de l’Aiguille du Pèlerin, dans le massif des Grandes Jorasses.
L’accident, terrible…
Un corps brisé.

“Dits du Gisant” est le journal qu’il a tenu durant les quelques mois suivants l’événement.
Homme cassé, perdant la maîtrise de son corps et le sens du goût, (drame absolu pour ce prince de la saveur), il va s’attacher, jour après jour, à affronter la douleur souvent insupportable, à franchir les portes du dépassement de soi.
Au fil des mois d’immobilité, il va sonner le grand rassemblement de tout ce qu’il a accumulé de connaissances philosophiques et littéraires, d’expériences et de vécu.

Le livre qu’il nous offre n’est pas le récit facile d’un quotidien de souffrance.
Il va beaucoup plus loin que cela.
Avec une écriture puissante et pudique, jouant sur plusieurs niveaux de styles, il nous entraîne au coeur de lui-même.
Personne ne sort intact de ce voyage intérieur.
Il est d’une force et d’une intelligence stupéfiantes.
Pour le lire, il faut se délester de ses propres certitudes, des attentes que l’on peut ressentir face à un scénario aussi tristement classique que celui d’un destin torturé.
Il faut accepter d’être entraînés, renversés, happés par un fil de récit inattendu, parsemé d’allusions à des souvenirs précis, à des êtres que certains reconnaîtront.
Il faut se laisser happer par le mental hors normes de cet homme étonnant, d’une dignité et d’une élégance folles, qui parle de la douleur extrême avec des mots rares.

Ce livre est ainsi. Rare.
On le prend en plein coeur, en plein ventre.
Il ressemble au regard de Jacques Perrin, qui est un monde à lui seul, d’une intensité qui vous cloue au sol.

Aujourd’hui, ce survivant est à nouveau un homme debout.
Mais a-t-il un jour cessé de l’être, même lorsqu’il était gisant?

Martine Bernier
« Dits du Gisant », Jacques Perrin, Editions de l’Aire.

Blog de Jacques Perrin:http://blog.cavesa.ch/

 

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