Journée d’été

J’appelle cela les « menus événements », ceux qui font la trame, qui sont comme des notes sur une portée et qui composent une journée.
Dans le coffre virtuel de ce qui sont déjà les souvenirs de ce mardi d’été, j’ai rangé une multitude de choses…

Aurore passait la première partie de son brevet aujourd’hui.
Elle, si brillante, avait la boule au ventre hier soir.
Elle vise la mention, mais n’est sûre de rien.
Moi si…
Mon premier geste, après avoir sorti Pomme, très tôt, est de lui laisser un message sur son téléphone.
Elle répond.
Je l’accompagne par le coeur.
Le soir, elle m’appelle.
Elle a assuré en math, est moins sûre d’elle en français, craint l’Histoire pour demain.
Et n’arrive pas à me faire douter!

Un article compliqué attend que je le termine.
Je m’y attelle tandis que Pomme entreprend de ranger mon bureau à sa manière.

Dans la matinée, je rouvre le livre dont j’achève l’écriture ces jours-ci.
Je sais qu’il me reste très peu de mots avant que je n’applique le point final.
Comme à chaque fois, ce sont ceux que j’ai le plus de mal à poser.
Je dois avoir peur de l’envoyer… comme toujours.

A force d’être ce qu’il était, je finissais par le croire immortel.
Nicolas Hayek, créateur des montres Swatch, est décédé hier.
Il avait apporté un nouveau souffle vital à l’industrie horlogère suisse.
Molière, dit-on, est mort sur scène.
Lui a eu une crise cardiaque dans son bureau…

Aujourd’hui, cela fait six mois.
Six mois que Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière ont été enlevés en Afghanistan.
Six moix… c’est insupportable…

Une amie perdue de vue me retrouve par Ecriplume et me laisse un message, me disant qu’elle désire reprendre contact.
Je lui réponds.
Nous avions vingt ans à l’époque et étions en Suisse depuis peu, toutes deux venues de Belgique.
Elle était flamande, moi francophone.
Nous nous étions rencontrées en montagne.
Les gens nous taquinaient, s’étonnant de nous voir nous entendre aussi bien.
Simplement, c’était elle, c’était moi.
Elle est partie pour l’Espagne, je suis restée en Suisse.
Sa réapparition dans ma vie me touche…

Le facteur arrive, chargé d’un paquet pesant.
Il découvre Pomme qui lui fait la fête, rit de sa petite bouille et de son attitude.
J’ouvre le colis: quinze nouveaux livres rejoignent les autres pour que je les présente…

L’un de mes fils, qui est venu me débarrasser d’un nid de guêpes, me parle de son expérience toute fraîche de « beau-papa ».
Il m’explique le bonheur qu’il tire de cette aventure, les difficultés parfois, et commence à prendre conscience de la complexité de la tâche.
Cela nous ouvre un horizon nouveau dans nos échanges.
A son tour, il devient responsable d’une petite vie…
Et il assume.

Un ami m’appelle, en qui j’ai confiance.
Il faut dire qu’il est dans ma vie depuis longtemps…
Il me fait penser à Lui.
Même bon sens, même droiture, et ce don d’être là quand il faut, de ne pas se dérober.

La chaleur est étouffante.
Alors que j’emmène Pomme près du Torrent, deux petits garçons, enfants de voisins, demandent à caresser ma chienne, avec leur maman.
Ils ont à la fois envie et peur de l’approcher.
Pomme est vive, ravie de rencontrer des humains presque à sa taille.
Je la calme et j’explique son « mode d’emploi » aux petits, attentifs.
Au final, ils en sortent ravis:

– Elle m’a léché la main!!
– Oui, tu vois, c’est sa façon de faire des bisous…
Joyeux, ils suivent leur maman vers leur appartement et se retournent plusieurs fois en agitant la main:
– Au-revoir, Pomme!!
Ils semblent sortis d’un livre d’images…

Le téléphone sonne.
Fred, l’un des anges gardiens du Carré d’Or a envie de me parler alors qu’il « fait la route ».
Nous retrouvons notre complicité…
Ce lien qui existe avec ceux de là-bas me bouleverse à chaque fois…

Un nouveau message arrive des corbeaux coassants.
Ils sont rudes, cyniques, mais m’ouvrent les yeux sur la réalité d’un homme qui s’est fait passer pour quelqu’un qu’il n’est pas.
Sans doute s’amuseront-ils de savoir qu’un auteur est rentré en contact avec moi pour que je m’intéresse à son livre parlant des manipulateurs pervers narcissiques.
Un comble, n’est-ce pas?
Je demande le livre en service de presse.

Le téléphone re sonne et la voix de l’une de mes amies résonne.
Comme ceux qui me sont vraiment proches, elle a compris que leur présence et leur amitié m’est nécessaire…

Ce mercredi, je retourne voir mon chirurgien.
Cette fois, je sais que notre prochaine rencontre, que nous fixerons demain, se déroulera dans une salle d’opération.
Le plus tôt possible, j’espère.
Je voudrais être solide pour entrer dans le monde de Monet en septembre…
Monet, qui est l’objet d’un sujet au 20 Heures de France 2.
Le musée Marmottant de Paris, qui lui est consacré, propose une exposition mettant en présence les oeuvres du maître de l’Impressionnisme et celle de Marc Roshko, peintre de l’abstrait. But de l’opération: démontrer que Monet a inspiré l’abstraction…

La nuit ne semble pas vouloir tomber.
La lumière traîne, s’étire encore et encore, laissant dans son sillage un voile de poudre d’or.
Comme si elle non plus n’avait pas trop envie d’affronter la journée de demain.

Martine Bernier

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