Kim (1): les dinosaures et les monstres de la nuit

Kim aura quatre ans dans quelques jours.
Grâce à la compagne de mon fils cadet, qui a amené avec elle dans nos vies son petit garçon, je me suis vue catapultée dans une relation nouvelle avec un petit bonhomme étonnant.
Dès la première rencontre, nous nous sommes très bien entendus.
Ca ne s’explique pas.

Pour la première fois ce mardi, Kim restait seul avec moi tandis que sa maman et mon fils se rendaient à une soirée.
Il avait pu choisir entre venir chez moi ou chez une amie de sa maman.
J’ai été plutôt touchée qu’il insiste pour me rejoindre.

Pour que tout se passe au mieux, j’ai fait un crochet par un magasin de jouets.
Deux trois jouets et une lampe de poche Winnie l’Ourson me semblaient vitaux pour que tout se passe bien.

Kim appréhendait d’aller dormir sans la présence de sa maman, il me l’a répété plusieurs fois pendant que je lui donnais son bain.
– Matine, tu ne pars pas, dis?
– Non, non, je reste avec toi.
– Touzours?
– Toujours aujourd’hui en tout cas! Et chaque fois que tu viendras, je resterai près de toi.
– Tu sais, moi, ze veux pas dormir. Z’ai pas sommeil.
– Je comprends. Mais tout à l’heure, il faudra pourtant aller au lit. Mais ne t’en fais pas, nous allons encore faire plein de choses avant, et tout ira bien.
– On va encore zouer?
– Non, nous allons faire des choses plus tranquilles pour que tu puisses bien dormir après.
– Quelles « sozes »?
– Si tu veux, tu pourras voir un petit bout de ton film, puis Pomme et moi, nous irons te mettre au lit, je te raconterai une histoire, je te  présenterai les doudous qui vont dormir avec toi…
– Et z’aurai un sirop vert?
– Et tu auras un sirop vert!
– Tu partiras pas?
– Non. Et je t’expliquerai pourquoi tu ne dois pas avoir peur. Mais d’abord, nous allons ranger: nous avons fait le souck dans le salon!
– C’est quoi, le zouck?
– C’est le désordre quand on a beaucoup joué ou beaucoup travaillé.
– C’est zoli ta maison. Moi z’aime bien.

Une fois dans son lit, nous discutons des avantages à tomber plutôt sur un brontosaure que sur un tyrannosaure au détour d’une promenade. Question essentielle, comme chacun peut l’imaginer. Kim a enchaîné:
– Dis, Matine?
– Oui?
– Ils sont où les dinosaures?
– Les vrais?
– Oui.
– Ils ont tous disparus. C’était il y a très très longtemps. Ils sont tous morts et de nouveaux animaux sont arrivés à leur place, qui font beaucoup moins peur. Comme Pomme!

Tandis que je médite intérieurement en me disant que j’ai menti: certains hommes me font en tout cas aussi peur si pas plus qu’un brontosaure herbivore de surcroît, la petite voix résonne:
– Dis, Matine?
– Oui?
– Pomme aussi elle va mourir?
– Mmm… oui. Mais dans très longtemps. Pomme est encore un bébé chien. Si elle n’a pas d’accident ou de maladie grave, elle vivra longtemps.
– Et après, elle ira où?
– Au paradis des petites Pommes!
– Et toi?
– Moi, je suis là. Et ta maman, et ton papa, et Yann et tous ceux que tu aimes. Nous ne partirons que quand tu n’auras plus besoin de nous. Tu ne seras jamais tout seul.

Petit silence.

– Dis, Matine?
– Oui?
– Les dinosaures ils sont aussi là-bas?
– Au paradis des Pommes? Heu.. je ne pense pas, non. Ils doivent avoir un paradis différent où ils se retrouvent entre eux.
Re silence.
Apparemment, il est satisfait de ma réponse.
Je respire…

– Matine?
– Oui?
– Et si il y a un « monste » dans la chambre?
– Ah oui, les monstres… je vais t’expliquer quelque chose. D’abord, il n’y a pas de monstres dans ma maison: ils ont beaucoup trop peur de moi et j’ai une porte magique anti-monstres. Et là, la petite veilleuse verte que j’ai mise sur la prise, tu vois? C’est une lumière anti-monstres aussi. Tu savais que les monstres ont très très peur de la lumière, surtout quand elle est verte? En plus, quand il y a un bruit, Pomme aboie et me prévient. Donc, si tu as un souci, je viendrai tout de suite. Enfin, tu as ta lampe de poche, pour toujours avoir de la lumière si le noir te fait peur. Et tes amis doudous vont t’expliquer qu’ils dorment ici depuis longtemps et qu’ils n’ont jamais eu de problème.
– Et le Monsieur au grand sac?
– Heu… le Monsieur au grand sac? Qui est-ce?
– Le Monsieur qui prend les zenfants quand ils ont été « méssants ».
– Ah, d’accord. Non, il ne vient pas ici, ce monsieur-là, je ne le laisserais pas entrer. Je n’aime pas ce genre de messieurs. De toute façon, il n’a rien à faire ici, il n’y a pas d’enfants méchants chez moi. Tu n’as plus peur?
– Non…
– Regarde, je laisse la porte ouverte et je suis juste là, dans mon bureau.
– Là où il y a le zouck?
– Comment ça, le zouck?? Non mais dis-donc, toi, petit cornichon!

Je sors en souriant tandis qu’il rit aux éclats.

Quelques instants plus tard, je viens silencieusement vérifier que tout va bien, qu’il n’est pas triste, qu’il n’a pas peur.
Ce que je vois me fait sourire. Il est caché sous son duvet, auréolé de l’intérieur par la lueur de la torche.
Je soulève délicatement le duvet et je vois deux grands yeux noirs qui me sourient:
– Tout va bien, mon bonhomme? Tu n’as pas trop chaud, là-dessous?
– Non… Tu t’en vas pas?
– Non, je suis là… dans mon zouck! Je suis juste venue te refaire un câlin…
– Matine?
– Oui?
– Ze t’aime, tu es zentille.

Trois minutes plus tard, il dormait comme un ange…

Martine Bernier

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