« Nous avons un problème »

En me rasseyant, je lui ai souri:

– J’avoue que je n’ai que très modérément apprécié ce que vous venez de faire.
– Je vous ai fait mal? Et pourtant, je vous ai à peine touchée…

Il a écrit quelques lignes, et a relevé la tête:

– Nous avons un problème…

Allez savoir pourquoi: je déteste entendre un docteur me dire ce genre de phrase.

Il a poursuivi:

– Il va falloir que je vous fasse passer un examen pour voir ce qu’il en est.
– Mais… je passe un scanner le 17. N’est-il pas possible de voir cela en même temps?
– Je crains que ce soit plus compliqué que cela. Le scanner se concentre sur les reins. Il faudra un examen différent. Je vous appellerai dès que j’aurai les résultats et nous verrons ensuite à réagir rapidement. Quand pouvez-vous passer à l’hôpital?
– Pas la semaine prochaine, j’ai des reportages et des rendez-vous médicaux. Et la suivante, ce sera difficile.

Il a levé un sourcil:
– Vous ne comprenez pas. Nous ne pouvons pas attendre.

Je l’ai regardé.
Il a un regard plein de bonté, des gestes doux, une moustache qui se soulève lorsqu’il sourit.
C’est un excellent médecin, consciencieux, très humain.
Maintenant qu’il me connait mieux, il sait que, pour ne pas craquer devant lui, je me cache derrière un paravent d’humour et il rentre dans mon jeu sans être dupe.

Il m’a rendu mon regard et a demandé, doucement:
– Pourquoi n’avoir pas parlé de cette douleur plus tôt?

J’ai hésité:
– Parce que… c’était trop.
– Je comprends… mais attendre n’est pas une bonne idée, vous savez… Et là, vous me dites que vous avez attendu deux ans… Je sais ce que vous avez traversé. Mais deux ans…

Oui, je sais.
Ce n’est pas la chose la plus intelligente que j’ai faite.
J’en ai conscience.
Surtout lorsque j’ai lu ce qu’il a écrit sur le document destiné au médecin qui va procéder à l’examen.
Personne n’aime savoir qu’une « masse » se balade dans ses entrailles, sans permission.
C’est malpoli, une masse baladeuse.
D’autant que d’après la première palpation et l’estimation de la taille de la passagère clandestine, elle ne ressemble pas à un petit pois.
Après avoir fait le bilan, il va falloir gérer de front trois problèmes sur trois organes différents.
Il n’était pas possible de faire simple, comme tout le monde.

A quoi sert Ecriplume?
Aussi à me retrouver dans une alcôve où mes réflexions s’ordonnent.
Une pause respiration pour garder l’équilibre.
Pour mettre de l’ordre dans mes idées, dans mes sentiments, dans les mille choses qui m’assaillent de partout.
Je sens que la semaine prochaine ne va pas me plaire.
A moins que… un petit miracle?

Martine Bernier

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