Cyrano de Bergerac: la véritable histoire

Depuis plusieurs siècles que le théâtre existe, les grands événements sont rares.
Les spécialistes se rejoignent pour estimer qu’il y en a eu quatre:
– La première du « Cid » de Pierre Corneille, en 1636
– Celle du « Mariage de Figaro » de Beaumarchais, en 1784
– Celle « d’Anthony », d’Alexandre Dumas, en 1831
– … et la première de « Cyrano de Bergerac », d’Edmond Rostand.

Cette représentation historique a eu lieu le 28 décembre 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris.
Pourquoi historique?
Parce que, durant les répétitions, qui se sont déroulées dans une ambiance glaciale, personne n’y croyait.
La troupe était convaincue d’aller au devant d’une catastrophe.
Un quart d’heure avant le lever du rideau, l’auteur était en pleurs.
Il s’est précipité dans les bras de Coquelin, son interprète principal, en lui disant: « Pardon, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette aventure désastreuse… »

Le rideau s’est levé.
A la fin du première acte, c’était le succès.
A la fin du deuxième, on parlait de triomphe.
A la fin du troisième, l’ambiance virait au délire.
Durant l’entracte précédant le cinquième acte, l’histoire raconte que le ministre des Finances a surgi dans les coulisses, a dégrafé la décoration qui ornait le revers de son habit, et « en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés », l’a épinglé sur la veste de l’auteur, ahuri, le faisant Chevalier de la Légion d’Honneur.

La dernière réplique « Mon panache » était à peine prononcée que ça a été un déchaînement.
Quarante rappels… qui ont épuisé le régisseur.
Il a fini par laisser le rideau ouvert…
A deux heures du matin, pas un spectateur n’avait encore quitté la salle.
Certains avaient envahi la scène, criant de joie et de bonheur.

Depuis cette représentation mémorable, Cyrano de Bergerac a connu plus de 200’000 représentations.
La pièce a été traduite dans toutes les langues, et a été mise au répertoire des théâtres du monde entier.
Les plus grands comédiens se sont battus avec ce rôle écrasant de 1400 vers, le plus long du répertoire français.
Le cinéma, la télévision: tout le monde l’a voulu…

Mais saviez-vous que Cyrano a existé?

Cyrano de Bergerac.
Edmond Rostand a respecté dans la pièce les principaux faits qui ont jalonné l’existence de son modèle.
Savinien de Cyrano de Bergerac est né à Paris en 1619.
Il a été aussi galant dans la vie que brave au combat.
Et tous ceux qui se sont risqués à moquer son nez ont eu à tâter de son épée.
Il a participé comme officier au siège de la Compagnie de Carbon de Casteljaloux, et y a récolté une blessure.
L’épisode de la fameuse bagarre de la Porte de Nesles où il se batit seul contre cent pour défendre son ami Lignières a également été attestée par la chronique.
Homme de culture, Cyrano a écrit une comédie « Le pédant joue », dont Molière s’est inspiré dans ses « Fourberies de Scapin ».
Il a aussi signé une tragédie « La mort d’Agrippine », puis son « Histoire comique des états et empires de la lune et du soleil », qui a fait de lui un précurseur.
A la fin de sa vie, il rencontra sa cousine, Madeleine Robineau, veuve, qui vivait retirée du monde.
Il en tomba amoureux.
Mais polémiste à la dent dure, Savinien avait l’art de se faire des ennemis.
Sans doute est-ce ce qui donne à penser que la bûche qu’il reçut sur la tête était un attentat plutôt qu’un accident.
Il en mourut en 1655, à seulement 36 ans, sans savoir qu’il deviendrait un magnifique héros bien français, courageux jusqu’à la témérité, beau parleur jusqu’au lyrisme, frondeur, râleur, irrespectueux, querelleur, mauvais caractère au coeur d’or, passionné, spirituel et galant…

Martine Bernier

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