Les célèbres recalés de l’édition

La maison Gallimard fête cette année ses cent ans.
Cent ans de livres… avec quelques belles erreurs, rattrapées d’extrême justesse.
Deux exemples:

– En 1912, Marcel Proust, alors jeune écrivain, propose le manuscrit « Du côté de chez Swann » à NRF, la maison d’édition fondée l’année précédente par Gaston Gallimard et un groupe d’amis.
Manque de chance: André Gide ouvre l’ouvrage… et tombe sur le pire.
A la page 62 il est assommé par une description d’une longueur interminable concernant une infusion de camomille.
Deux pages plus loin, il découvre la tante Léonie « qui semble avoir des vertèbres sur le front ».
L’expérience lui suffit: le manuscrit est renvoyé à son auteur qui le fait paraître à compte d’auteur chez Grasset, en 1913.
Et là, ô horreur, l’équipe Gallimard réalise qu’il a commis une belle erreur, « la pire de la NRF », reconnaît Gide dans une lettre qu’il adresse à Proust..
Pour récupérer l’auteur, Gallimard lui propose de le mensualiser, grande première dans le milieu de l’édition, au tarif de 2500 francs (soit 3500 euros actuels).
Proust range son orgueil et accepte la proposition.

– Le 28 août 1966, un autre romand est proposé à la maison d’édition, par k’agene Bradley.
Son nom? « Gone with the Wind », qui deviendra, en français, « Autant en emporte le vent », de Margaret Mitchell.
sur la fiche de lecture, on peut lire que Ramon Fernandez avait écrit: « Il ne me paraît pas opportun de publier un roman historique sur la guerre civile américaine. D’autant que le livre est très gros. »
Le roman est donc refusé en octobre, et c’est achète qui en rachète les droits.
Par chance, Gallimard a un contact avec une baronne amie de l’auteure, qui a lu l’ouvrage.
Il arrive à la dernière minute à récupérer les droits et à faire paraître cet ouvrage… qui sera vendu à 385 000 exemplaires et assurera la fortune de sa maison.

Parmi les autres ouvrages refusés et récupérés, il y a notamment « Ulysse », de James Joyce (considéré comme « un vain bavardage » par Jacques Rivière, et pulvérisé par Paul Claudel qui dira du livre de « l’immonde Joyce » qu’il est « affligé d’une absence de talent vraiment diabolique ».

Martine Bernier

A lire:
– L’article du numéro 3120 de l’Express consacré au sujet.
– Le catalogue Gallimard 1911-2011 (jusqu’au 3 juillet 2011)
– « Cher Monsieur Queneau. Dans l’Antichambre des recalés de l’écriture », Dominique Charnay, Denoël

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