Cyril et les triplés

Celui qui m’accompagne et moi arpentions les allées de Noël d’un grand magasin lorsqu’un jeune homme m’a interpellée:

– Excusez-moi, vous ne seriez pas Martine? Martine Bernier?

Cela m’arrive régulièrement d’être reconnue par des personnes que j’ai interviewées dans le passé.
Là, c’était différent.
Je l’ai regardé.
Souriant, son visage me disait quelque chose, mais je n’arrivais pas à lui donner un nom.

– Oui, c’est moi.
– J’en étais sûr! Je suis Cyril!

Cyril! Evidemment!
En quelques secondes, les images  me sont revenues en farandole.
Cyril, petit garçon blond qui devait avoir 4 ans lorsque je suis rentrée dans sa famille, par alliance.
Il était calme, presque placide, discret, à l’inverse de son frère, très vif, qui ne cessait de le bousculer et de lui chercher querelle.
Petit, il s’exprimait avec hésitation.
Cyril, qui prenait son temps pour chaque chose, qui n’aimait pas trop l’école, et qui posait sur ceux et celles qui l’entouraient, un regard bienveillant.
Mon instinct me poussait à m’intéresser à lui, à le protéger quand on le malmenait.
Je l’aimais beaucoup.
Puis la vie, une fois encore, nous a éloignés.
Je ne l’avais revu qu’une fois, comme il me l’a rappelé, ce samedi, un jour où je faisais un reportage dans un endroit où il se trouvait.
Entre les guirlandes et les décorations de Noël, je le regardais.
Il avait peu changé: toujours ce regard et ce sourire doux.
Je découvrais avec émerveillement que, désormais, il s’exprimait sans heurt, de manière posée et limpide.
Il avait l’air visiblement heureux de me voir.
Je lui ai présenté Celui qui m’accompagne, et, en quelques mots, il lui a expliqué l’importance que j’avais eue dans sa vie.
En l’écoutant, j’ai été émue.
Donner de l’attention et de l’amour à un enfant n’est jamais inutile.
Je n’avais pas réalisé, sur le moment, combien le peu que je faisais avait de l’importance pour lui à l’époque.

– Cyril… que deviens-tu? Sébastien m’a dit que tu étais heureux?
J’avais appris, en effet, qu’il était marié, nouvelle qui m’avait réjouie.
-Et bien… oui, c’est vrai. Et là, ma femme et moi allons avoir des bébés en janvier. Des triplés.
– Des triplés????

Il m’a raconté leur parcours, l’annonce de la future naissance, la réaction joyeuse et rassurante de son père, celle nettement plus mitigée de sa mère.
Il m’a dit qu’ils prendraient chaque jour l’un après l’autre, qu’il était certain que tout se passerait bien.
Nous avons parlé une vingtaine de minutes, je lui ai laissé nos coordonnées et, tout content, il m’a dit qu’il reprendrait contact.

J’ai beaucoup pensé à lui ensuite.
Petit blondinet dont sa mère disait  qu’elle ne savait pas ce qu’elle ferait de lui, Cyril est devenu un jeune homme de 35 ans posé et plein de bon-sens.
Il travaille, est heureux en ménage et s’apprête, avec réalisme mais sans angoisse, à assumer son rôle de père puissance 3.
Et je suis sûre qu’il y arrivera, car, comme pour chaque étape de sa vie, il prend les choses en faisant à chaque fois de son mieux.
Un bel exemple pour tous ceux qui ont un enfant dont ils se demandent s’il trouvera sa voie…

Martine Bernier

 

 

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