Un Noël traditionnel

– … et tu vois, Kim, elle devait avoir son bébé, mais il n’y avait pas d’hôpital à l’époque. Son mari, Joseph, l’avait installée sur un âne, et il frappait à toutes les portes pour que quelqu’un veuille bien les accueillir et s’occuper d’elle. Personne ne voulait les aider. Alors, ils se sont installés dans une étable, avec leur âne, et un boeuf.

Perché sur le rebord de mon fauteuil, dans une position qui nous est familière, plutôt propice à nos interminables  tête-à tête, il me regarde de ses immenses yeux noirs.
Du haut de ses cinq ans, Kim, passionnant petit prince, jette un coup d’oeil à ma crèche atypique.
– C’est eux?
– Oui.
– … et après?
– Après, le bébé est né. Ils l’ont appelé Jésus. Et il a reçu des visites. Des rois mages, venus de très loin, lui ont apporté des cadeaux. Ils s’appelaient Melchior, Balthazar et Gaspard.

– Et après?
– Après, Jésus a grandi, il est allé à l’école.

Kim hoche la tête:

– Ah oui… c’est comme l’histoire de Pinocchio.
– Heu… pas tout à fait, non, mais ce n’est pas grave!
– Pinocchio il avait un papa qui lui faisait des cadeaux.
– Oui, Geppetto.
– Oui. Et puis ils ont été mangés par une baleine. Et puis Pinocchio est devenu un vrai petit garçon.
– Et pourquoi trouves-tu que les deux histoires se ressemblent?
– Parce qu’il a aussi été à l’école!
CQFD! Nous sommes partis dans une longue discussion sur les oreilles d’âne que Pinocchio  a vu pousser sur sa tête après un léger passage à vide dans sa scolarité de brillant pantin.

A table, en ce soir de réveillon, Kim est entre sa maman et moi, en bout de table.
Sa conversation est variée, jamais ennuyeuse, toujours très drôle.
Ne me demandez pas comment c’est arrivé, mais il en est venu à me parler des signes astrologiques des personnes assises autour de la table.
– Et toi, tu es quoi?
– Bélier, comme Bruno et comme Eric… Et toi, tu sais ce que tu es?
– Non…
– Cancer! Et maman, tu sais?
– Oui: Lion!
– Bravo! Et Yann, tu sais?
– Heu….
– Comme Magaly… Ba…. Ba…
– Banane!

Fou rire général!
Yann, son beau-père et accessoirement mon fiston à moâ, prend une mine furieuse, et sort son téléphone:
– Allo, Père Noël? Vous êtes déjà passé chez nous? Non? Parce que je ne suis pas sûr qu’il faudra le faire. Oui je sais, je vous avais dit qu’il a été gentil, mais là, il vient de me traiter de banane!

Devant la mine dépitée de Kim, je plaide sa cause:
– Père Noël? Il ne faut pas l’écouter, ce n’était pas méchant!
Yann continue:
– Oui, c’est vrai, ce n’était pas méchant.. Bon, allez, vous pouvez passer! Faites bien attention en route!

Plus tard dans la soirée, l’amas de cadeaux qui trône sous le sapin est ouvert.
Kim ouvre les siens et vient me voir:
– Ce cadeau-ci, il vient de toi?
– Heu.. c’est-à-dire que… Oui, le Père Noël est passé chez nous pour ce cadeau.
– Alors c’est toi! Et bien il est super! Merci!

Il ne faudrait pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages…

Martine Bernier

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