Mes inséparables: le cahier à spirales (1)

Dans les grands magasins, nous avons tous  nos rayons préférés.
Les enfants foncent vers celui des jouets et gloussent devant les bonbons, les femmes aiment généralement ceux des vêtements ou des cosmétiques, les hommes ont toujours quelque chose à voir du côté des articles bricolage ou dans les rayons concernant la voiture…
Je fais partie de ceux qui aiment flâner dans les parties informatiques, librairie et… dans les rayons de fournitures de bureau.
C’est carrément pathologique: si je n’évite pas de me retrouver face aux cahiers, stylos et autres bloc-notes, je ressors invariablement avec le même produit: un cahier à spirales.
Les cahiers, les grands carnets, sont ma gourmandise, mon péché mignon.
Et, dans le genre, je reviens toujours à mon premier amour, le cahier à spirales quadrillé, dans toutes ses dimensions pourvu qu’il ne soit pas trop petit.

Mon métier m’oblige à prendre beaucoup de notes.
J’ai donc un cahier par thème: les interviews pour la rubrique « vin », les notes pour « Eco Logis », tout ce qui concerne l’Entraide Familiale, les portraits, les articles n’appartenant à aucune de ces catégories…
Un autre, plus luxueux, de grand format, écrit sur trois sortes de papier différents, aux pages séparées en plusieurs parties par des intercalaires, devient peu à peu mon pense-bête, ma mémoire. 
Il m’a été offert par Celui qui m’accompagne qui connaît mes faiblesses, j’y tiens donc tout particulièrement.
Et puis il y a l’épais « tout-terrain » grand format lui aussi, que j’extirpe de son tiroir lorsque je suis au téléphone et que je dois  noter ce que me dit mon interlocuteur.
Il ne ressemble à rien avec sa couverture de papier un peu écornée.
Il a vécu… et je l’adore. 

Je fais une consommation énorme de ces cahiers.
A chaque fois que j’en entame un, j’éprouve le même petit frisson que lorsque j’écrivais les premiers mots de les cahiers scolaires, en début d’année.
Les premières pages étaient toujours très soignées.
Puis la lassitude se ressentait au fil des pages.
Et je méritais les remarques de mes profs qui trouvaient mon écriture illisible.

Je n’essaie plus d’écrire « à la ronde » pour faire plaisir à qui que ce soit.
Mes études de graphologie m’ont permis de comprendre qu’une écriture éloignée du modèle scolaire  est porteuse de qualités qui ne me donnent plus de complexes lorsque j’aligne mes pattes de mouche à toute vitesse sur les pages vierges.
Mes cahiers sont écrits en plusieurs couleurs pour ne pas confondre les sujets abordés, sont parsemés de petites notes griffonnées dans tous les sens, de numéros de téléphone.
Ce sont mes trésors, ils ont du vécu, sont de vrais baroudeurs très cabossés pour certains.
Certains ont soufferts plus que d’autres: certaines pages ont été éclaboussés de quelques traces de boue, mouillées par la pluie faisant couler l’encre jusqu’à en déformer les mots.
L’un d’eux a même été grignoté au passage par un couple de lamas qui me regardait écrire avec attention jusqu’au moment où, n’y tenant plus, ils ont dévoré ma prose, me regardant d’un oeil torve tout en mâchouillant le fruit coin de ma page.

Lorsqu’arrivent les dernières pages et que je sais qu’elles ne suffiront plus à contenir une interview complète, le cahier termine sa carrière sur mon bureau, recueillant des notes éparses.
Puis vient le moment où, remplis, ils doivent me quitter.
Je les feuillette consciencieusement avant de les jeter, gardant les notes importantes, recopiant les données essentielles.
Puis, c’est sans regret que je m’en sépare pour en commencer un autre.
Que j’aimerai de plus en plus, au fur et  à mesure qu’il recevra mes informations et prendra une personnalité bien à lui.

Celui que je préfère?
Celui que je choisis lorsque je me lance dans un nouveau livre.
Je trace son titre ou son sujet sur la page de couverture et je commence à y mettre le fruit de mes recherches.
Tout en sachant que, plus il s’enrichira de notes, plus il prendra une place importante dans ce moment de vie, pour un temps.

Martine Bernier
 

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4 réflexions sur “Mes inséparables: le cahier à spirales (1)”

  1. Dominique Rougier

    ??? Tu jettes tes cahiers après usage ! Horreur ! Moi qui garde religieusement toutes traces manuscrites ,j’imagine avec grand regret ces trésors dans une benne à ordures . Mais je suppose que question place il te faut faire un choix entre les livres où les cahiers.

  2. Martine Bernier

    Hé oui, je ne les garde pas! Il ne contiennent que des notes qui ne seraient utiles à personne pour la suite, puisque la quasi totalité se retrouve de toute façon dans mes articles. Donc, pas de regret!
    D’autant que, comme tu le dis si bien, à raison d’un carnet rempli tous les deux ou trois mois environ, sachant que j’ai commencé à en utiliser dès mes 23 ans, soit il y a 30 ans… Je te laisse faire le calcul: ce serait une invasion!

    En revanche, toi qui es un artiste.. ce serait un sacrilège que de te séparer de l’un de tes carnets!

    1. Dominique Rougier

      Ce que je crains le plus c’est que ce soit détruit bêtement par les eaux,un vol ou un incendie,comme ce fut le cas pour un peintre connu il y a trois ou quatre ans ; il a perdu environ vingt ans de travail en quelques minutes. Au moins ,avec l’informatique tout est sauvegardé quelques part.

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