Mes plus belles rencontres: Patrick Bruel (1)

Lorsque la station de Leysin (Suisse)  où j’habitais alors organisait encore son Festival Rock, j’étais toute jeune journaliste, pas encore diplômée,  faisant mes premières armes dans un petit journal local.
Ma rédaction, très sceptique et plutôt ironique, m’avait dit que si j’arrivais à décrocher quelques belles interviews d’artistes, elle serait épatée.

Je n’avais pas de carte de presse.
Juste un mot de la rédaction témoignant que je travaillais bien pour ce petit journal… connu uniquement des lecteurs du coin.
Au festival étaient conviés les journalistes chevronnés envoyés par des journaux et des  magazines du monde entier.
Il allait falloir jouer serré…
J’y suis allée au culot.
J’ai été me présenter au service de presse, à la sécurité, aux représentants des maisons de disques et aux organisateurs du festival.
Très vite, certains m’ont accordé leur sympathie, ils m’ont accréditée et j’ai pu réaliser mes belles grandes interviews d’artistes.

Lorsque le nom de Patrick Bruel  a été programmé dans l’une des éditions, nous étions en pleine Bruelmania.
A la conférence de presse d’ouverture du festival, beaucoup de journalistes pinçaient les lèvres relevant qu’il n’avait rien d’un rockeux, qu’il n’avait rien à faire là.
Vu le nombre de sollicitations, le chanteur avait accepté une conférence de presse juste avant son concert, mais pas d’interviews privées.
Je n’ai jamais aimé les conférences de presse, mais.. c’est parfois un passage obligé.
Ce jour-là, nous étions une trentaine à l’attendre sous une grande tente préparée pour l’occasion.
J’écoutais les conversations de mes « grands » collègues.
C’était perfide, plutôt snob, assez méprisant à l’endroit de celui que nous attendions.

Nous avions droit chacun à deux questions, à tour de rôle.
J’avais préparé les miennes et m’étais installée au milieu des autres pour voir comment chacun fonctionnait avant que n’arrive mon tour.
J’apprenais…
Bruel est arrivé sous la tente, un sourire accroché aux lèvres. 
J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi charismatique que lui.
Il était lumineux.
J’ai aussitôt remarqué un changement magistral parmi mes « grands » collèges.
Fini le mépris: ils fondaient, s’adressaient à lui comme à un copain ou avec respect, riaient à son humour.
J’avais le coeur qui battait à grands coups, peur d’être ridicule…
Quand est arrivé mon tour, j’ai posé mes questions, ai eu droit à de jolies réponses, des regards joyeux et amusés de la part du Monsieur  Connu.
La conférence s’est terminée: il devait nous quitter pour rentrer en scène.
Il sait comment charmer… joue admirablement de son sourire et de son regard, et est monstrueusement sympathique!
Il avait été aimable avec chacun, disponible, souriant, efficace…  professionnel, donc.
Je ne sais plus comment je me suis retrouvée avec le directeur du festival, Gérard Héritier.

Il m’a dit: « Viens, je vais te montrer quelque chose », et il m’a emmenée sous la scène, tout en me parlant des journalistes, de son agacement face  à certaines de leurs réactions, face à certaines personnalités imbuvables.
Dehors, depuis des heures, cela hurlait.
Des milliers de jeunes filles étaient là pour leur star.
Nous sommes ressortis devant la scène, au moment ou Patriiiiick y faisait son apparition.
Il y a eu une gigantesque clameur.
Un halo de lumière sur sa silhouette vêtue d’une longue redingote.
Son apparition a provoqué une quasi émeute.
Alors qu’il commençait à chanter, des dizaines de filles se sont évanouies et ont dû être évacuées.
Elles avaient attendu toute la journée pour rien…
J’ai suivi le concert et ai écrit mon article.

J’ai toujours préféré Bruel en tant qu’acteur plutôt qu’en tant que chanteur.
La semaine dernière, en allant voir le film « Le Prénom » dans lequel il joue, j’ai repensé à ce jour d’été à Leysin.
Ce jour où j’ai beaucoup appris sur pas mal de sujets….

Martine Bernier 

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