Le miracle

Profitant d’une immersion rapide dans un magasin, je fausse compagnie à mon Capitaine et file dans une pharmacie-parfumerie de ma connaissance.
But de l’opération: trouver un produit me donnant bonne mine.
Dans un mois tout juste je dois aller rendre visite à « mon » chirurgien, il est hors de question que j’y aille avec une mine de déterrée.

– Bonjour Madââme, je peux vous aider?

Je lève les yeux et découvre une petite jeune femme toute fine et hyper bien maquillée, comme elles le sont en général toutes dans ce genre de magasin.
– Oui! Je cherche deux choses. D’abord, ma crème de jour.
Je lui donne la marque de l’article en question et elle se dirige vers un rayon, moâ sur les talons.
– Alors… Vous l’avez en six sortes.
Et elle commence à me détailler les dites sortes avant de me lancer un regard interrogateur.
– Heu… La mienne est une crème blanche en pot. Elle tout simplement hydratante.
Nous éliminons les tubes, chassons les crèmes roses, les bleues, et elle me sort triomphalement un petit pot:

– C’est celle-ci! Je ne la trouvais pas car elle n’est pas QUE hydratante. Elle est aussi raffermissante!

Ah oui, bien sûr.
Suis-je nouille, quand même!
Le résultat ne manque pas, je commence à sentir monter en moi mon éternel réflexe Zébulonien:
– Raffermissante, comment ai-je pu oublier!! Vu l’état de délabrement, cela s’impose!

La pauvre jeune demoiselle ouvre des yeux écarquillés et vaguement inquiets.
Horreur, la cliente sort du rôle de cliente!
Mais où va le monde!

– Ma deuxième demande ne va pas être plus simple: je voudrais un fond de teint très hydratant.
– Alors… nous avons un très grand choix.
– Oui… mais pour ma part, je voudrais qu’il soit discret, léger et, surtout qu’il soit choisi dans une teinte qui ne me donne pas un air cadavérique.
– C’est-à-dire que…
– Oui, je sais, je vous demande l’impossible. qu’avez-vous qui soit adapté aux personnes d’un âge canonique?

J’accompagne ma demande d’un charmant sourire et d’un air très attentif.
Mais pour mon interlocutrice, c’en est trop: cette cliente-là sort un peu trop du schéma classique.
Elle détale chercher une collègue.
Celle-ci, à peine plus âgée que la précédente, est très sympathique et a déjà eu l’occasion de me pratiquer par le passé.
Aussi impeccablement maquillée que sa jeune collègue, elle est chaleureuse.

– Bonjour! Ma collègue me dit que vous souhaitez donc un fond de teint, le moins cher possible?
– Le moins cher possible? Ah non: je suis réaliste. Vu l’ampleur du travail, je suis consciente qu’il faudra mettre le prix. C’est cela ou un ravalement de façade, notez. Donc il me reviendra de toute façon moins cher.
Elle sourit:
– Et vous le voudriez…?
– Très hydratant, léger, qui ne fasse pas de « paquets », et dans une teinte qui me permette de ne pas être confondue avec un zombie.
– Je vois que vous avez de légères cernes, oui.

Légères cernes.
On peut dire celââ, voui.
A chaque fois que je rends visite à mon chirurgien, il me demande pourquoi je ne dors pas et s’inquiète de « ma tête à faire peur ».

– J’ai ce qu’il vous faut!!
Elle se penche vers un rayon et sort triomphalement  un flacon dont elle ôte le bouchon, versant un gros zeste de produit sur le dos de ma main.
J’étale la pâtée docilement tandis qu’elle m’explique:

– Il s’appelle « Teint Miracle »  et c’est le meilleur que nous ayons en ce moment!
– J’aime assez le mot choisi. C’est exactement ce qu’il me faut: un miracle.  Et j’avoue  que ma main n’a jamais eu aussi bonne mine!

Elle ne sait manifestement pas si elle peut se permettre de rire.
L’auto-dérision fait peur, dans les parfumeries.
– Bon, je prends celui-ci. Et s’il réalise le miracle promis, vous pourrez m’en préparer un camion!

Une demi-heure plus tard, de retour au nid, je file dans la salle de bain appliquer le produit sublimissime, puis je fonce dans la cuisine, et me campe face à mon Capitaine.
– Qu’en penses-tu?

J’ai vu passer une lueur d’inquiétude dans son regard.
Qu’a-t-elle fait?
Changé sa coiffure, mis un autre pull?
Presque immédiatement, il a lancé, timidement:

– Wouaaa… c’est beaucoup plus… lumineux!

10/10
Il a tout bon.
Mon Capitaine, bien sûr.
Le Miracle, lui.. je ne peux pas lui demander l’impossible!

Martine Bernier

 

 

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