Le concours de toupies

Mon Capitaine et Kim, considéré comme étant le premier petit garçon de la famille, s’entendent très bien.
Cette semaine, en attendant que  s’ouvre la partie officielle du vernissage de l’exposition de Yann, mon fils et, par la même occasion beau-père de Kim, nous étions tous au soleil, sur une terrasse surplombant le lac Léman.
Je venais d’apporter à Kim une série de mini toupies en plastique qu’il avait déposées sur une table.
Lui d’un côté, mon Capitaine de l’autre.
Ce dernier lui a expliqué qu’il était un as de la toupie, discipline qu’il avait beaucoup pratiquée étant enfant.
Je ne sais pas comment ils en sont arrivés à partir tous les deux dans un grand tournoi toupiesque.
Magnanime, Celui qui m’accompagne a laissé à son petit adversaire le choix des armes.
Jetant un coup d’oeil à la toupie orange, il a juste sobrement précisé: « Celle-ci, avec sa forme, c’est une tueuse… »
Kim a aussitôt choisi la « tueuse ».
Au début, ça n’a pas très bien commencé pour lui.
Mon Capitaine gagnait chaque partie.
Au point que, à un moment donné, je l’ai entendu dire, l’air de ne pas y toucher: « Nous en sommes à combien, déjà? 11 à 1 pour moi? »
J’ai demandé à Kim:
– Mais…  pourquoi as-tu choisi cette toupie-là?
Ce à quoi il a répondu, un peu piteusement:
– Parce qu’il a dit que c’était une tueuse!

Etait-ce une stratégie pour duper l’adversaire, nous ne le serons jamais.

Voyant que le petit heurtait ses toupies pour les faire tomber avant les siennes, mon Capitaine  a ajouté, un brin dédaigneux: « Tu as besoin de tricher pour gagner? »
Ils ont deux points communs, tous les deux.
Notamment pas mal de franchise et  un certain orgueil.
Piqué au vif, Kim a décidé de s’appliquer.
Et la situation s’est inversée.
Quelle que soit la toupie choisie par mon Capitaine, celles de Kim tournaient plus longtemps que la sienne.
Pas question pour lui d’avoir le triomphe délirant.
Non.
Il s’agissait là d’une affaire d’hommes où les réactions non mesurées n’avaient pas leur place.
Les regarder jouer, appliqués, sérieux comme des papes était hilarant et touchant.

A chaque fois que je retrouve Kim, je tombe sous le charme.
Le regarder me fait penser aux contes de Perrault.
Ils sont rares, les personnages ayant eu droit au double cadeau des fées à leur naissance;  la beauté et l’intelligence.

Il lit désormais couramment tout ce qu’il trouve.
Ou presque.
A un moment, il est venu me chercher:
– Tu veux venir? Il y a un mot que je n’arrive pas à lire.
Il m’a fait descendre quelques marches d’escaliers.
Sur une porte se trouvait le mot « Gentiane ».
Je le lui ai lu, ai expliqué l’astuce du « t » prononcé « s », et lui ai précisé qu’il s’agissait d’une fleur.
Il a répondu avec sa logique:
– Quelle idée d’avoir mis un nom de fleur dans un escalier!

Plus tard dans la soirée, je le regardais jouer avec un enfant de son âge.
Un beau petit garçon blond, aux cheveux bouclés et au visage angélique.
Ils couraient, riaient, s’inventaient des scénarios d’enfants.
Une complicité étonnante, d’autant plus qu’ils ne se connaissaient pas auparavant.

Franchement, sans eux, nos vies, toutes passionnantes qu’elles soient, ressembleraient à un champagne sans bulles.
Et sans toupies.

Martine Bernier

 

 

 

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