Quand une enfant de la montagne raconte les souvenirs de son père

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Voici quelques semaines, j’ai fait la connaissance d’une femme charmante, qui venait d’écrire et de publier un livre.
Un ouvrage extrêmement touchant: « Remuages », qui parle du quotidien de sa famille à travers les souvenirs de son papa.
L’histoire se passe en Suisse, au Pays-d’Enhaut, dans les Alpes vaudoises, près de Château-d’Oex.
Je vous la laisse découvrir à travers l’article que je lui ai consacré…

Madeline Demaurex: En souvenir des transhumances

 Dans un livre paru récemment, la Vaudoise Madeline Demaurex rend hommage à l’agriculture de montagne, à travers ses souvenirs d’enfance au Pays d’Enhaut.
Rencontre avec une institutrice ravie d’avoir pris la plume pour remonter le temps.

 « J’ai longtemps pensé que j’écrirais un jour l’histoire de ma jeunesse, pour mes enfants et, plus tard, mes petits-enfants. 
Mais en écoutant parler mon père, agriculteur de montagne, j’ai réalisé que c’était la sienne qu’il fallait que je raconte. Et que je ne devais plus tarder à le faire. »
Dans le salon de sa maison de Chexbres (VD) nichée au bout d’une impasse dans un écrin de verdure, Madeline Demaurex est rayonnante. 
Tout dernièrement est enfin sorti ce livre qu’elle rêvait d’écrire: « Remuages », édité par le Musée du Vieux Pays d’Enhaut. 
A travers ce voyage dans le temps, c’est toute son enfance qu’elle fait revivre au travers de la mémoire paternelle.

Une enfance à la Heidi

 Née en 1951, Madeline est la première des cinq enfants d’Emmy et Pierre Bertholet.
Tous ont passé leurs jeunes années au Pays-d’Enhaut, entre le hameau  de Monteiller, aux Moulins, et celui de Sciernes.
Dans son livre, Madeline raconte ces « remuages » au cours desquels la famille déménageait d’un chalet à l’autre, accompagnant le bétail  dans sa transhumance estivale.
Durant l’été, il s’agissait en effet de faire paître les bêtes en montant régulièrement en altitude, au gré des la pousse des herbage dans les alpages.
Pierre Bertholet ne confectionnait pas de fromage, mais coulait le lait à la laiterie lorsqu’il était aux Moulins, le transformant en beurre lorsqu’il était aux Sciernes pour ne pas avoir à redescendre chaque jour.

Illustré par les dessins de sa cousine et voisine, Sylvie Demaurex, l’ouvrage parle d’une vie heureuse mais exigeante, en osmose avec la nature.
Une époque qui n’a laissé à Madeline que des souvenirs lumineux:
« Nous avons eu une enfance privilégiée, sereine, et j’estime avoir eu beaucoup de chance de la vivre dans ce contexte », estime-t-elle.
« Les remuages ont eu lieu huit fois par an jusqu’au début des années 60. Ils commençaient début janvier où nous redescendions des Sciernes,
et nous passion l’hiver à Monteiller.
Puis nous remontions et redescendions pour les pâtures, pour le
s foins à faire en haut et en bas, pour les regains, et enfin pour les « reparts », cette herbe qui pousse après les regains.
Nous passions Noël et terminions l’année au chalet des Sciernes. Comme mes frères et sœurs, durant mes vacances d’été, je participais aux foins, aux travaux de la ferme.
La seule chose que j’évitais, c’était d’aller à l’écurie car je n’étais pas attirée par le bétail!
Lorsque j’ai eu une dizaine d’années, nous avons « remué » moins souvent.
Mon père montait alors sans nous pour m’éviter de trop longs trajets lorsque j’allais à l’école. »
A 16 ans, la jeune fille quitte les siens et sa région pour apprendre le métier d’institutrice à l’École normale de Lausanne.
Après quelques années parmi les élèves, elle reprend des études à la faculté des Sciences de l’Éducation à Genève, et décroche une licence en sciences de l’éducation didactique,
lui ouvrant les portes de la formation des maîtres et l’enseignement de la didactique du français.
Mariée, mère de famille et femme active, elle continue tout au long de sa vie à entretenir des liens très  étroits avec le Pays-d’Enhaut.
La famille s’y réunit plusieurs fois par mois ainsi que pour les vacances. 
Mais Madeline attendra l’heure de la retraite pour suivre un atelier d’écriture qui la stimulera à s’atteler à la réalisation de son livre.
Chaleureuse et pétillante, Madeline Demaurex a transmis à ses quatre enfants aujourd’hui adultes le goût de la vie au Pays-d’Enhaut:
« Nous retournons très régulièrement dans notre chalet des Sciernes.  Mon père a 87 ans, il est malade.
Pour notre livre, je l’ai interviewé d’octobre 2012 à mars 2013.
C’est un homme pudique, qui a reconnu m’avoir confié certaines choses dont il ne m’aurait jamais parlé sans cela.
Cette aventure nous encore rapprochés davantage… »

Dans le chalet familial dans la montagne, dans lequel a grandi Madeline, l’atmosphère est restée la même.
En automne, chacun part à la cueillette des champignons, l’hiver tout le monde skie avant de se retrouver dans la maison toujours chauffée au bois.
Le confort est minimaliste, mais l’ambiance tendre et feutrée.
Les souvenirs de plusieurs générations s’y entremêlent.
La lecture du livre de Madeline a ému toute sa famille.
Y compris son frère Michel  qui ne cache pas son admiration et sa tendresse pour sa sœur aînée:
« Elle a passé énormément de temps avec papa pour le convaincre à se replonger ainsi dans le passé.
Il fallait beaucoup de tact, d’écoute et de sensibilité pour y arriver. Et surtout, un amour immense pour notre père… »

 Martine Bernier

En savoir plus:

– « Remuages », Madeline Demaurex, Edité par le Musée du Vieux Pays-d’Enhaut, Château d’Oex.

(Cet article est paru dans l’hebdomadaire romand  « Terre et Nature »)

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