L’image d’hier

1cocc Je l’ai déjà dit: Pinterest est devenu pour moi une sorte de grenier dans lequel j’entasse une foule d’images qui me plaisent, me touchent représentent des objets que je collectionnerais… si j’étais riche et que je disposais de beaucoup, que dis-je d’énormément de place!
Comme ce n’est pas le cas, je me promène à travers les allées de mon grenier imaginaire et je me prélasse dans l’ambiance que diffusent ces photos.
Et puis, de temps en temps, j’en trouve une qui me parle plus encore que les autres.
Comme celle-ci…
Quel choc j’ai ressenti en la découvrant..
Cette voiture est exactement la même que celle qu’a eue mon père durant des années.
Même marque, même modèle, même couleur…
Dieu que j’ai pu être malade dans cette voiture dans laquelle nous nous entassions à cinq!
Postée derrière mon père qui conduisait, j’avais en charge la « flèche » de droite.
Ces flèches qui faisaient autrefois office de clignotants.
Comme ils étaient parfois un peu capricieux, il fallait donner un solide coup contre l’habitacle pour les aider à sortir lorsque nous devions tourner.
Lorsque je partais seule avec mon père, j’avais le droit de monter à l’avant. Sans ceinture, bien sûr, puisqu’à l’époque, elles n’existaient pas.
Dans cette voiture que j’avais prise en grippe en raison de ce mal des transports qui m’empoisonnait l’existence, j’ai laissé des souvenirs en pagaille.
Je me souviens d’un en particulier…
Nous étions sur la route des vacances, en direction de la Provence.
Comme tous les vacanciers qui prenaient la route du soleil, nous étions entassés dans la voiture, le coffre ne suffisait pas à abriter tous les bagages et des valises se retrouvaient arrimées sur le toit.
Et comme d’habitude, tous les 30 ou 40 kilomètres, il fallait s’arrêter car mon estomac rendait l’âme.
Au bout de plusieurs longues heures de trajet, la chaleur aidant, j’ai été tellement malade que j’ai supplié mon père de me laisser là, au bord de la route.
Je préférais mourir seule mais en paix plutôt que de remonter dans cette chose et renouer avec mon calvaire que la promiscuité avec mes frères gesticulants rendait encore plus insupportable.
Désolé, mon père essayait de me réconforter, lorsqu’un ange est arrivé.
Il s’agissait d’un monsieur qui, depuis son jardin, a assisté à la scène.
Devant sa maison se trouvait un puits.
Il en a tiré de l’eau et m’en a apporté un grand verre.
De toute ma vie, je n’ai plus jamais bu une eau qui m’a parue aussi délicieusement fraîche.
Nous étions en plein été, sous un soleil de plomb.
Dans les années 60,  les voitures ne disposaient ni de climatisation ni du confort actuel.
Le voyage était un supplice pour quelqu’un subissant le mal des transport.
Même les bouteilles d’eau prises en réserve pour nous rafraîchir étaient si chaudes qu’elles semblaient sortir du four.
Et là, au milieu de cette fournaise, ce verre d’eau pure et fraîche…
Je n’ai jamais oublié ces quelques minutes.
Peu de temps avant sa mort, Papa a vendu la voiture pour en racheter une autre, plus spacieuse.
Une Ford Taunus vert turquoise.
Il en était très fier.2auto
Il faut dire que mon père était daltonien…
Il n’en a profité que durant quelques semaines, ayant juste le temps de nous entraîner à Arcachon pour nos dernières vacances avec lui.
Quand j’ai vu partir pour la dernière fois sa Coccinelle, fidèle ennemie qui m’a valu tant d’heures épouvantables, j’ai été envahie de tristesse, contre toute attente.
J’ai eu conscience qu’avec elle s’achevait une époque.
Une prémonition?
Je n’en sais rien.
Ce que je sais, c’est que cette photo a gagné le droit de se retrouver dans mon grenier imaginaire!

Martine Bernier

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