Les nanas

Ecriplume est comme un sas de décompression que j’emprunte chaque matin avant de me mettre au travail.
J’y dépose une foule de petites choses, et suis ensuite prête à m’attaquer à la suite…
Ce week-end de Pâques a été d’une telle richesse et tellement intense que, comme à chaque fois, mon Capitaine et moi avons terminé ces deux jours épuisés et heureux.
Au fil du temps, la relation que je partage avec sa fille est devenue très belle.
Une découverte mutuelle, je crois, qui aboutit sur un dialogue qui ne s’interrompt pas malgré l’absence et la distance.
Quant à Eya, son bout de chou de 5 ans, elle est une bulle de champagne, pétillante à souhait, un vif-argent joyeux et drôle.
Nous le réalisons à chacune de ces visites, pourtant assez rapprochées: elle évolue, elle change… et en bien.
Il faut dire que sa maman, avec laquelle elle partage une relation exceptionnelle, n’économise pas ses efforts et son temps pour dialoguer avec elle, la rendre heureuse, et nourrir sa boulimie d’échanges et d’activités.
Comme la plupart des enfants, elle est une véritable éponge, a soif d’apprendre, de découvrir, de partager, d’offrir.
Je ne change pas mon comportement d’un enfant à l’autre: je consacre à chacun tout mon temps ou presque lors de leurs visites.
Et Eya n’est pas la dernière à en profiter…
Elle se précipite sur moi et capte ou tente de capter mon attention en continu.
Quelquefois, la fatigue aidant, elle me vampirise.
Avec mon consentement ou presque, soit.
Nous savons toutes les deux qu’il y a toujours un moment au cours du week-end où je demande grâce, où j’ai besoin de respirer.
Ce qui est le début de longues palabres:
– Hé! Arrête! Je n’en peux plus!
– Mais si, mais si, allez, on continue!
Je regarde les deux immenses yeux foncés qui me fixent en riant:
– Dis donc, toi, il va falloir que tu m’expliques: pourquoi es-tu toujours collée à moi alors que je ne t’épargne pas? Je te gronde quand tu vas trop loin, je te contrarie quand tu dis des bêtises…
– Ben… parce que « j’t’aime! » Et puis… c’est tellement bien!

L’air de rien, elle m’a renversée avec sa petite déclaration…
– Hum! Tu as vu comme tu me secoues? Drôle de façon d’aimer! Tu m’aimes comment?
Elle réfléchit une seconde et cache ses bras derrière son dos:
– Comme ça!
– Sans bras?
– Mais??? Tu ne sais pas??? Ca veut dire « tellement que je ne peux pas faire plus! »
– Aaaah, bon! C’est très gentil, ça! Moi aussi, je t’aime!

En fin de journée, un coup de téléphone interrompt nos jeux.
Je file avec l’appareil dans mon bureau pour parler au calme.
Au bout de trois minutes, un lutin me rejoint:
– Pssst, Eya, je reviens dans un petit moment: je suis au téléphone.
– Je voulais juste te faire ça…
Elle pose un baiser sur ma joue, me serre fort et file.
Gloup.

******

Dans la matinée, Eya a soif.
Mais elle n’a pas terminé son cacao du matin, et sait que son papy aurait aimé qu’elle le finisse.
Elle soupire:
– Je n’ai pas faim, j’ai soif!
– Mais le lait au chocolat est une boisson!
– Non, ça se mange. Je voudrais du jus de pomme…
– Demande à Papy s’il est d’accord de t’en donner.
– Il va dire non!
– Pas sûr! Si tu le lui demandes gentiment, il ne résistera pas à ton charme!

Elle passe sa main dans ses cheveux et a un geste de la tête digne de Dalida:
– Si je fais comme ça, tu crois qu’il va craquer?
J’ai terriblement envie de rire:
– Je crois qu’il préfère quand tu es naturelle. Tu lui souris, tu le regardes bien dans les yeux, tu lui expliques, et ce sera bon, je pense.

Son papy, qui suit discrètement notre conversation, l’encourage à venir lui parler, ce qu’elle fait.
Quelques instants plus tard, elle sirote son jus de fruits.
– Tu vois, je te l’avais dit! Il est très gentil!
Elle opine du bonnet et pousse un petit soupir:
– Oui, c’est vrai. Aaaah… je l’adore!

*****

Lundi soir.
Pendant deux jours,  nous avons parlé avec où sans la marionnette Martin, joué, nous avons lu sur la demande d’Eya quelques-unes des légendes de la mythologie grecque, nous avons dessiné, deviné des arômes, entrepris un championnat « d’exercices d’école » sur sa demande.
Tous ensemble, nous avons sorti Pomme, fait des colliers de perles, chanté, dansé, dit plein de bêtises, raconté et écouté des histoires, bref… nous avons vécu un week-end merveilleux.
Au moment du départ, Eya nous couvre de baisers tandis que Belle, la chatte-chien, regagne sa cage de transport de très mauvaise grâce.
Dans le corridor, elle me serre fort:
– Je t’aime fort!
– Moi aussi. Même si on se chamaille tout le temps!
Elle éclate de rire:
– Mais non! Ca c’est normal!
– Tu trouves?
– Ben oui, je suis parfois casse-pied!
Je la regarde perplexe… et affiche une mine précieuse, comme elle aime:
– Penses-tu! Si peu!
Puis je lui fais le câlin du siècle.
Sacrée petite nana, va…

Martine Bernier

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