Praline

De mes quatre poules naines, Praline est peut-être la plus belle, avec son plumage noir luisant.
Elle est en tout cas celle que j’ai choisie en premier, séduite par sa classe et sa beauté.
Peut-être la plus séduisante donc, mais certainement aussi la plus timide et la plus discrète.
Elle vit dans l’ombre de Chine avec laquelle elle est inséparable, est beaucoup plus timorée que les autres, et observe une prudente distance de sécurité entre elle et moi.
Au début, il m’était impossible de l’approcher.
Si je faisais un pas vers elle, elle en faisait dix dans l’autre sens.
Lorsqu’elles sont en groupe, elle est toujours celle qui reste derrière les autres.
Je ne me suis pourtant pas découragée.
Chaque jour, je continue à lui parler comme je le fais avec les autres, et à m’approcher doucement d’elle.
Et, depuis l’arrivée de l’hiver, je profite du fait qu’elles sont souvent blotties dans leur poulailler pour multiplier mes travaux d’approche.
Depuis quelques jours, ô miracle, Praline semble avoir un peu moins peur de moi.
Elle se laisse caresser, même si je n’insiste pas longtemps, sachant qu’elle ne recherche pas ce contact contrairement à d’autres.
Ce mardi matin, alors que j’allais ouvrir la porte de leurs appartements pour y faire le ménage quotidien, j’ai procédé à ma séance de câlins matinale, puis je leur ai annoncé triomphalement:

Ce matin, il ne pleut pas! C’est le moment d’en profiter pour aller vous promener, les filles! Zou! Tout le monde dehors!

L’une après l’autre, elles ont sauté d’étage en étage pour se précipiter à l’extérieur.
Toutes, sauf une.
Praline est restée sur la plate-forme supérieure, à hauteur de mon visage.
J’ai d’abord pensé que ma présence la gênait pour sortir et je me suis éloignée en lui parlant.
Mais non.
Elle restait là, tranquillement, à me regarder.
Je me suis approchée, convaincue qu’elle allait filer comme un lapin.
Et là encore, non…
Elle attendait je ne sais quoi.
– Tu n’as pas envie de sortir, ce matin? Regarde, tes copines sont déjà dehors…

Et là, pour la première fois, j’ai entendu la voix de Praline.
Aussi étrange que cela puisse paraître, alors que Plume et Kaki s’expriment de façon parfois tonitruante, et que Chine caquète régulièrement, Praline, elle, semblait jusqu’ici muette.
Ou alors… je ne l’entendais pas.
Car j’ai réalisé qu’elle gazouille comme un poussin, avec un filet de voix tellement discret qu’il peut facilement passer inaperçu.
Touchée, j’ai continué à lui parler tandis qu’elle me répondait à chacune de mes interruptions.
Finalement, je l’ai encouragée à aller rejoindre les Trois Grâces, et elle a filé, comme les autres.
Ce jour marquerait-il un tournant dans notre relation?
Mmm?

Martine Bernier

 

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