L’opération

Euphorbia

Lorsque j’étais enfant, j’étais très intéressée par le fonctionnement des choses.
Je bombardais mon père de questions, comme la plupart des enfants le font et, de temps en temps, j’expérimentais par moi-même… ce qui n’était que modérément apprécié dans mon entourage.
Ma mère, qui n’était pas très fan des plantes vertes, possédait un grand cactus Euphorbia que je trouvais très laid mais qu’elle aimait beaucoup.
Un jour, j’ai décidé de visiter l’intérieur de ce spécimen bizarre, juste pour voir s’il avait des os lui permettant de se tenir aussi droit.
Profitant de l’absence de ma mère, j’ai pris un couteau pointu dans la cuisine et j’ai opéré le cactus.
L’intervention a tourné court très rapidement: un liquide laiteux est sorti par l’entaille de trois ou quatre centimètres que j’avais pratiquée.
Ciel! Le cactus était vivant!!!
J’ai couru chercher un sparadrap que j’ai délicatement posé sur la plaie de mon patient… et je suis prudemment montée dans ma chambre.
Ma mère n’était pas rentrée depuis dix minutes qu’un grand cri m’a fait comprendre qu’elle avait découvert le convalescent.
Cri suivi par un hurlement: elle m’appelait pour la punition.
Le soir, mon père, chargé de me passer un monstrueux savon, est venu me retrouver dans ma chambre et s’est assis sur le lit, à côté de moi:
– Tu peux me dire ce qui t’a pris?
– Je voulais voir si le cactus avait des os… mais tu sais, je n’ai pas pu continuer…
– Pourquoi?
– Parce qu’il a saigné! Et il a du sang blanc!
Mon père a hoché la tête gravement et m’a expliqué que, en effet, les plantes aussi ont un genre de sang, qu’elles vivaient.
Complètement chavirée, j’ai demandé: « Mais alors… je lui ai fait mal??? »
Il m’a expliqué qu’il pensait que les végétaux ne ressentait pas la souffrance de la même façon que nous, mais qu’ils ne devaient pas être à l’abri de se sentir mal.
Il m’a aussi précisé que j’avais fait de la peine à maman en touchant à sa plante.
En larmes, je suis descendue et j’ai été présenter mes excuses… au cactus d’abord, à ma mère ensuite.
Par la suite, je n’ai pas plus aimé ce cactus bizarre, mais je l’ai traité avec respect, prenant des nouvelles de sa blessure.
Il devait m’en vouloir: il ne m’a jamais répondu.

Martine Péters
 


 

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