Panique à bord!

Depuis deux ou trois jours, je constatais que Kiwi, ma deuxième poule hollandaise,  boitait.
Samedi matin, ce boitillement  s’est associé à une petite prostration qui m’a alertée.
Elle souffrait.
Nous étions samedi, mais je n’ai pas voulu attendre: j’ai appelé le vétérinaire qui a accepté de nous recevoir.
J’y suis allée avec mon fils, mon petit-fils… et ma poule installée dans une caisse paillée.
Le verdict est tombé très vite, confirmé par une radio: Kiwi nous fait une arthrite qui, comme toutes les arthrites, peut s’attaquer à l’os.
La solution consiste à adopter un traitement par piqûres, à raison de deux par jour, le matin.
C’est  là que, pour moi, les soucis ont commencé…
Le vétérinaire m’a demandé:
– Vous savez le faire, n’est-ce pas?
Heu… pardon?
Faire une piqûre à ma poule, et risquer de lui faire mal, moâ?
– Non, non! Je me suis auto-piquée à certaines occasions pour des traitements précis, mais je suis incapable de piquer qui que ce soit d’autre!
Ma réponse n’a pas démonté le cher  homme:
– Hé bien… on va apprendre! Je fais la première et vous ferez la deuxième!
Il a demandé à Sébastien de tenir la poule qui avait l’air stupéfaite d’être traitée de cette façon, elle pour qui j’ai tous les égards.
Puis il a pris une fine seringue, m’a montré « le bréchet », et m’a dit:
– Vous cherchez le bréchet, ici, vous piquez un peu plus loin, là. Vous verrez que ça fait un peu bizarre quand l’aiguille s’enfonce, mais il faut le faire. Comme ça. A votre tour.
Il m’a tendu la seringue en précisant: il faut juste faire attention de ne pas toucher les organes.
Quoi?!?
Mais… ils sont où, les organes d’une poule?!
Et comment savoir si je suis au bon endroit, si je ne lui fais pas mal, si…
Pour moi qui, lorsque je m’attaque à un travail de couture à la machine, consacre six mois à étudier la chose avant de me lancer, la tâche était insurmontable.
Je n’étais pas préparée, ni intellectuellement, ni moralement! 
La seringue à la  main, j’ai dégluti en disant:
– Qu’est-ce que je regrette que Bruno ne soit pas là…
– Ah bon? Il est absent?  
– Non, non, mais il n’est pas là, ici, pour voir ce que vous faites… et pour le faire à ma place!
– Ca va aller! Allez-y!
Sous son oeil expert, je me suis fait violence: j’ai cherché l’endroit, j’ai suivi ses instructions en m’excusant d’avance auprès de Kiwi, et j’ai fait la piqûre.
– Et bien voilà! Maintenant vous pourrez la faire chaque matin, deux seringues différentes, pendant  dix jours.
Voyant ma mine consternée, il a ajouté, consolateur:
– Enfin là… plus que neuf! Les poules ne ressentent pas la douleur comme nous, ne vous inquiétez pas.
C’est vrai que Kiwi n’avait pas bronché… mais moi, j’étais en nage.
Depuis, chaque matin, je procède à la séance de torture, aidée par mon Capitaine qui tient ma pauvre patiente.
Je précise que la torture est plutôt la mienne que la sienne…
Je regarde longuement où se trouve le bon endroit avant de battre le rappel de mon courage pour piquer.
Et j’atteins un niveau de stress maximal. 
Il faut dire qu’une poule… c’est plein de plumes!
Allez trouver un point stratégique au milieu de tout cela!
J’ai passé  beaucoup de temps à étudier des planches anatomiques consacrées aux gallinacés, et je voudrais que mon Capitaine me rapporte un poulet que je pourrais examiner de plus près avant qu’il ne soit cuit.
Quant à Kiwi, elle boîte toujours mais a l’air de moins souffrir.
Et, ô miracle, semble ne pas m’en vouloir, se précipitant toujours vers moi quand je l’appelle…

Martine Péters 



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