Téa

Deux semaines avant la fin de mon dernier atelier d’écriture, j’ai réalisé qu’une nouvelle fillette, Téa, s’était jointe à mon groupe.
Pendant le goûter que les enfants prenaient à l’extérieur, je lui ai demandé si elle voulait participer à l’atelier et nous avons fait connaissance.
Elle était hésitante, mais elle nous a suivi jusque dans la salle.
Elle avait de longs cheveux et des yeux clairs.
Mais, surtout, elle avait une personnalité particulière.
Calme, elle observait ce qui se passait, participait avec sérieux à chaque activité, mais ne réagissait jamais aux petites bêtises de ses copains.
Elle n’était ni timide ni réservée, juste réfléchie, mature.
Je lui ai donné un cahier pour qu’elle puisse noter ses réponses aux jeux et ses idées d’histoires.
Au jeux des senteurs à reconnaître, elle était étonnamment douée, ce qui m’a poussé à lui dire qu’elle avait un très bon odorat.
– Tu trouves?
– Oui. Ce n’est pas facile d’identifier des odeurs. Tu as un bon nez, c’est un atout. Qui sait, tu seras peut-être parfumeuse, plus tard!

Elle m’a expliqué qu’elle avait deux idées pour sa future profession, couturière ou pâtissière, mais qu’elle y penserait.
Au fil de la séance, à travers ses réflexions, j’ai réalisé qu’elle avait une tournure d’esprit  que l’on ne croise pas souvent chez une enfant de dix ans.
Tandis que le groupe parlait du futur  président de la République, elle a déclaré:
– Et pourquoi pas LA future présidente? Une femme pourrait très bien l’être. 

A la fin de l’atelier, elle m’a demandé:
– Tu veux bien que je revienne, la fois prochaine?
– Bien sûr! Tu sais que ce sera ma dernière séance pour cette année scolaire.
– Déjà? Si j’avais su que tu faisais cela, je serais venue plus tôt… Je ne serai plus là l’année prochaine. Je déménage à la Rochelle… Mais je viendrai la semaine prochaine.

Elle a tenu parole.
La semaine suivante, elle était là.
Elle s’est comportée exactement de la même façon que la première fois.
Impliquée, calme, pertinente, et lançant une autre petite remarque féministe alors que le groupe parlait de certains métiers à responsabilités.
Décidément, cette petite fille me plaisait beaucoup!

Lorsqu’est venu le moment de terminer la séance, elle m’a attendue tandis que je rassemblais mes affaires, puis lorsque j’ai quitté le premier bâtiment.
Nous avons traversé les deux cours de récréation ensemble, en parlant.
Cela m’a ramenée des années en arrière, lorsque, alors que j’étais à peine plus âgée qu’elle, j’attendais parfois l’une de mes professeures que j’aimais beaucoup.
Nous faisions quelques  pas ensemble, en devisant.
C’était le même scénario, mais les rôles étaient inversés.
Le dialogue que j’ai eu avec cette enfant m’a beaucoup marquée.
– J’aurais voulu continuer à venir à tes ateliers…
– Et j’aurais apprécié t’y retrouver. J’ai beaucoup aimé que tu nous rejoignes.
– C’est vrai?
– Oui, c’est vrai.  Tu es une petite fille formidable.
– Tu le penses?
– Je ne le dirais pas si je ne le pensais pas. Et là, tu as de belles aventures qui t’attendent. Vous allez vivre dans un très bel endroit.
– Près de l’Océan. Comment je fais si je veux te retrouver?
– Et bien… attends.
J’ai fouillé dans mon panier et j’en ai sorti un bout de feuille sur lequel se trouvaient les coordonnées du site de ma maison d’édition.
– Si tu vas sur ce site, tu verras qu’il y a un formulaire où tu peux laisser un message. Demande à tes parents de t’aider. Je te répondrai si tu m’écris.

Elle a pris le papier, puis elle a ajouté:
– Et le cahier que tu m’as donné, je peux le garder?
– Bien sûr. Il est à toi. 

Nous avons parlé encore un moment, puis je suis partie.
J’espère que Téa aura la plus belle des existences, au bord de l’Océan…
Je ne l’oublierai pas.

Martine Péters


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