« La trigonométrie? Bien sûr que c’est utile! »

Entre les maths et moi, les relations ont toujours été mitigées.
Jusqu’à la fin de mes études, mes moyennes dans cette branche naviguaient entre 11 et 14 sur 20, avec de temps en temps une envolée vers le haut lorsqu’il fallait résoudre des équations, et quelques belles descentes sous la barre du 10 lorsque je nageais dans des eaux plus  opaques.
Je n’était pas passionnée, et de loin.
Un jour, après le cours, mon prof, qui était une femme charmante avec un léger cheveu sur la langue et une gentillesse à toute épreuve, m’a retenue pour un court échange:
– Martine, j’ai l’impression que je vous ai perdue au moment où j’ai prononcé le mot de trigonométrie, aujourd’hui!
– Excusez-moi, Madame.
– Mais… qu’est-ce qui pourrait vous motiver à vous concentrer un peu plus?
– C’est que… j’impression de rester dans l’abstrait. Pour moi, c’est un sujet inutile, que je n’utiliserai plus jamais par la suite.
– Comment?? Vous êtes en train de me dire que la trigonométrie et inutile???
– Heu… en tout cas pour moi, oui.
– Venez!

Elle a ramassé ses affaires, j’ai pris mon cartable, et elle m’a entraînée… dans le jardin de l’école, uniquement fréquenté par les professeurs.
– Regardez!
Elle s’était plantée devant un grand arbre qu’elle me désignait du doigt.
Je lui ai jeté un regard un peu perdu.
– Sauriez-vous comment mesurer la grandeur de cet arbre sans y grimper?
– ???
– En  utilisant un triangle rectangle! Si vous connaissez l’un des angles et l’un des côtés du triangle, vous pouvez calculer les autres.

Elle a sorti une feuille et un stylo, a dessiné l’arbre, l’a placé dans un triangle, a rapidement mesuré au jugé les dimension de la base du feuillage, de l’angle et hop… en un instant, elle m’annonçait triomphalement la hauteur.
– Alors?
– Je suis admirative.
– Ah!
– Vous avez raison, la trigonométrie est utile. Mais, excusez-moi encore… pas pour moi.
– Pourquoi??
– Parce que… Je ne vois pas à quoi peut me servir le fait de connaître la hauteur d’un arbre.

Elle a eu un petit rire:
– Oui, bon. J’espère au moins que par égard pour moi qui ai pris le temps de vous l’expliquer, vous serez plus attentive à l’avenir!

Aujourd’hui encore, je ne peux pas regarder un arbre sans avoir une petite pensée pour l’adorable Madame Paucot.

Martine Bernier

 

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